Mohamed M'rini, avocat à Casablanca et membre du Comité central de l'USFP, porte un jugement sur la dégradation du secteur de la justice au Maroc. ALM : Pourriez-vous nous désigner le problème fondamental de la Justice marocaine ? Mohamed M'rini : Le grand problème dans lequel se débat la justice marocaine consiste en l'insuffisance manifeste des cadres de la magistrature. Le ministre de la Justice a annoncé à cet effet que les tribunaux marocains sont saisis annuellement de trois millions de dossiers. Or, le véritable calvaire des justiciables consiste en la longueur des durées que nécessitent les dossiers. Qu'en est-il de la corruption qui gangrène la justice ? En ce qui concerne la moralisation de la justice, je considère que la responsabilité à ce niveau est collective et partagée par toutes les parties. D'abord, par les justiciables, ensuite, les différents intervenants ( avocats, experts et secrétaires de greffiers, enfin le corps des magistrats). Sans la participation de ces trois composantes, toute action de moralisation de la Justice est vouée à l'échec. Mais, il faut reconnaître que les métiers d'avocat et de juge ne cessent de se dégrader ? Notre sujet principal, aujourd'hui, est la Justice. Le problème de la corruption ne concerne pas seulement l'argent et les salaires des magistrats. C'est une question sociale, culturelle, professionnelle et qui a trait à l'ensemble de la société. Comment combattre ce fléau ? Je crois que la transparence et l'attachement des citoyens à leurs droits sont les seuls à même de participer à l'extinction de ce fléau. Car, de nos jours, l'on doit reconnaître que tous les grands dossiers connaissent des interventions et il est quasiment impossible d'apporter des preuves concernant certaines transgressions de la loi, particulièrement au vu des interprétations de la loi et de la nature des procédures judiciaires. Personnellement, je dispose d'un dossier concernant un Marocain résidant à l'étranger qui a fait l'objet d'une escroquerie de la part d'un expert qui lui a volé 600.000 dirhams destinés à l'achat d'un local, qui n'a pas encore trouvé de solution judiciaire depuis une vingtaine d'années. Comment voulez-vous donc, que les gens investissent dans notre pays avec ce genre de situation ?