Pendant une quinzaine de jours, un gourou illuminé ou manipulateur a failli faire basculer dans la violence meurtrière toute une partie de la planète. Personnage sans envergure au passé assez trouble, le «pasteur» évangélique américain Terry Jones avait déclaré vouloir brûler publiquement des exemplaires du Coran le 11 septembre, jour du neuvième anniversaire des attentats terriblement meurtriers de New York. Un peu partout à travers le monde musulman, l'émotion commençait à monter. Si l'autodafé avait eu lieu, des foules en colère auraient certainement provoqué des drames en représailles. Le président des Etats-Unis d'Amérique, le pape, nombre de chefs d'Etat et de gouvernement, avaient fait entendre leur condamnation. Mais dans la « libre Amérique », rien ne semblait pouvoir arrêter le projet du sinistre personnage. Finalement, celui-ci a renoncé à son acte, considérant avoir remporté déjà un beau succès d'audience, et avoir contribué à faire reculer le projet de construction d'une mosquée au pied du «Ground Zero», le lieu où se trouvaient les tours jumelles du World Trade Center. Il est vrai que cet ecclésiastique évangélique de 58 ans, qui porte habituellement un calibre 40 à la ceinture, s'est taillée une renommée mondiale à peu de frais. Chef «spirituel» d'une communauté de cinquante familles réunies par une théologie évangélique réactionnaire, il est apparu comme le héros de toute une partie de l'Amérique qui reporte dans des attitudes islamophobes son angoisse de l'avenir. Dans la suite de la politique menée durant plusieurs années par George Bush junior, de plus en plus nombreux, hélas, sont ceux qui, dans cet immense pays, voient l'Islam et les musulmans comme la menace majeure pour leur nation. Le rejet que ceux-ci font du président Barack Obama s'exprime, en particulier, dans la conviction que celui-ci est musulman malgré toutes les assurances qu'il peut donner de sa foi chrétienne. L'importance acquise soudain par Terry Jones, personnage sans véritable formation intellectuelle, sans autorité religieuse notable, sans charisme marquant, suscite des questions importantes. Ainsi peut-on s'interroger d'abord sur la nature de toutes ces «Eglises» évangéliques ou pentecôtistes qui prolifèrent en Amérique et dans de nombreux pays du monde, au nom de «la liberté religieuse». Quelques personnes réunies autour d'un pasteur souvent auto-proclamé peuvent se déclarer «Eglises» et s'engager dans des stratégies de développement qui vont engager tout le christianisme. On sait très bien que si, actuellement, les communautés chrétiennes installées depuis longtemps au Maghreb, catholiques et réformées, peuvent connaître des difficultés avec les autorités et avec certains secteurs de la société, c'est en grande partie à cause des initiatives de pareils groupes dits «évangéliques». L'autre grande question est celle des dégâts que peuvent causer des médias irresponsables. Terry Jones a réussi son opération parce que les médias du monde entier ont relayé sa folie ou sa haine. N'aurait-il pas mieux valu traiter par le mépris ce jardinier de la haine? Refuser de le mettre en scène? Car est-ce vraiment remplir le «devoir d'information», que grossir abusivement l'importance d'un personnage aussi minable?