Dans «le visage de Dieu», le débat n'oppose pas des athées invétérés à des fanatiques patentés, mais des scientifiques adeptes de la théorie du hasard à leurs homologues qui croient à un Esprit supérieur. Dieu existe-t-Il ? Qui d'entre nous, un jour, ne s'est pas posé la question ? Et celle qui s'en suit : s'Il existait, d'où vient-Il ? Devant la complexité de l'interrogation, l'humanité s'est divisée en deux grands groupes sans résoudre l'affaire autrement que par la foi ou l'intime conviction, celle-ci prenant souvent la forme de l'incrédulité. En gros, le premier groupe est formé des polythéistes, de plus en plus rares, des monothéistes, des hindouistes et autres bouddhistes et enfin des déistes qui, sur la voie d'Einstein, sans se reconnaître dans les religions, croient «au Dieu de Spinoza, révélé dans l'harmonie du monde, mais pas en Dieu qui se préoccuperait des faits et gestes de chacun.» Ce retour ici à l'Esprit créateur s'explique autant par le mois sacré du Ramadan que par la marge supplémentaire qu'il laisse, à cause du ralentissement du rythme du travail, au sport ou à la lecture. Un instant idéal donc pour parcourir «Le visage de Dieu»*, un ouvrage que j'hésitais à ouvrir tant je n'arrivais pas à prendre au sérieux ses auteurs, Igor et Grichka Bogdanov, des jumeaux, figures très médiatiques des émissions scientifiques. C'était oublier que les apparences sont trompeuses. L'un est docteur en mathématiques, l'autre en physique théorique. Leur ouvrage est préfacé et psotfacé par pas moins de quatre prix Nobel en physique et en astronomie. 23 avril 1992, Georges Smoot, un physicien américain qui sera nobélisé plus tard, contemple les images de la lumière la plus ancienne de l'univers à ce jour captée par le satellite explorer COB. Il s'agit du rayonnement fossile, fond cosmologique de l'univers âgé actuellement de 13 milliards d'années et mis en boîte par l'imagerie de COB trois- cent quatre-vingt-mille ans après le Big-Bang. De quoi, en théorie, bouleverser ou tout au moins perturber presque toutes les genèses religieuses. Cependant, ébloui par cette lumière fossile qui était alors à une température de trois mille degrés, Smoot se laissera aller à dire : «Pour les esprits religieux, c'est comme voir le visage de Dieu.» Le débat qui en découle n'oppose pas des athées invétérés à des fanatiques religieux patentés, mais des scientifiques adeptes de la théorie du hasard comme origine de la création à ceux qui, derrière l'ordonnancement de l'univers, la récurrence constante des lois mathématiques, physiques et chimiques qui le commandent, ne peuvent s'empêcher de voir un Esprit supérieur. La physique à la rescousse en quelque sorte de la métaphysique, mais rien n'est encore résolu. Pour l'instant, un autre satellite explorer plus puissant, Planck, du nom de l'inventeur du mur du même nom, poursuit son chemin, pour atteindre l'instant même où le Big-Bang s'est produit. On découvrira alors le code secret de la création de la matière. Ou pas. Car fort probablement, on s'ouvrira plutôt à la recherche de ce qu'il y avait avant cette explosive étincelle, un moment où, supposent les frères Bogdanov, le temps, dans sa durée, encore fluctuant et instable, n'était pas irréversible. C'est dire qu'on n'est pas sorti de l'auberge. Ce qui n'enlève rien à cet ouvrage «pour les nuls» en astrophysique.