Rachida Dati fut presque la seule voix discordante à droite à reconnaître que «quelque chose n'a pas marché» dans la lutte contre la délinquance. Qu'est-ce qui explique qu'en pleine somnolence estivale, une radio comme la Station Europe 1, propriété du groupe Lagardère aux sympathies «sarkozystes» assumées, puisse mobiliser une liaison et un studio sécurisés entre Paris et la radio marocaine, sortir Rachida Dati de ses vacances familiales au Maroc pour l'inviter à venir se prononcer sur le grand débat sur l'insécurité qui secoue la scène politique française ? Certainement pas un brusque manque d'invité pour commenter l'actualité quotidienne. Les cracheurs professionnels au micro se bousculent au portillon. La raison a sans doute trait avec l'interview remarquée que Rachida Dati avait accordée au magazine féminin «Grazia» le 27 juillet dernier, c'est-à-dire bien avant le discours-tournant de Grenoble où Nicolas Sarkozy avait annoncé sa nouvelle doctrine en matière de délinquance. Dans cette interview publiée aux alentours du 5 août, Rachida Dati fut presque la seule voix discordante à droite à reconnaître que «quelque chose n'a pas marché» dans la lutte contre la délinquance. Au passage, l'ancienne garde des Sceaux se paie Brice Hortefeux avec une haine à peine contenue, lui reprochant à demi-mots, sinon d'avoir failli à ses obligations, du moins de ne pas être à la hauteur de la fonction qu'il occupe : «Le ministre de l'Intérieur doit être parmi les Français, en soutenant fermement et clairement les forces de l'ordre et la justice». Au cours de son interview à Europe 1, Rachida Dati a reconnu avoir eu la veille une conversation téléphonique avec Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, l'homme-orchestre de toute la politique de Nicolas Sarkozy. L'entretien n'avait certainement pas porté uniquement sur les belles plages ensoleillées du Maroc, ni sur sa merveilleuse cuisine qui parvient à faire cette délicieuse synthèse entre le sucré et le salé. Il s'agissait sans aucun doute de préparer les éléments de langage de cette intervention. Plus que jamais, Nicolas Sarkozy a besoin de faire entendre des voix qui le soutiennent dans son projet sécuritaire comme celle de Rachida Dati. Un symbole issu de l'immigration et qui affirme ne pas être choqué par le lien et le raccourci établi entre l'immigration et la délinquance et la possibilité de déchoir de leur nationalité française les criminels d'origine étrangère. Rachida Dati affirme n'y voir que de la fermeté contre des dangers qui menacent la cohésion nationale là où selon elle, la gauche montre une déliquescence. Mais lorsqu'elle est acculée à s'exprimer sur la question de savoir s'il faut aussi criminaliser les parents de délinquants issus de l'immigration comme de nombreuses voix à l'UMP le revendiquent, Rachida Dati botte en touche et fait celle qui n'a pas entendu la question. Devinant sans doute toute la gêne qu'une telle requête provoque, l'intervieweur décide lui-même d'abandonner la question. Au cours de sa conversation avec Claude Guéant, Rachida Dati semble avoir passé un deal. Ok pour défendre la politique de fermeté, le lien contestable immigration-délinquance, même la problématique déchéance de la nationalité. Mais pas question de revenir sur les critiques sur Brice Hortefeux. Rachida Dati lui voue une rancune tenace. Elle le considère, à juste titre d'ailleurs, comme une pièce maîtresse du dispositif qui avait œuvré pour sa disgrâce et son bannissement.