Avec l'air de ne pas trop y toucher, Nicolas Sarkozy avait, sur cette polémique, donné l'impression de ne reconnaître publiquement aucune erreur d'appréciation propre. Entre le moment où, debout aux côtés du Premier ministre britannique Gordon Brown, Nicolas Sarkozy avait répliqué vertement aux journalistes qu'il n'avait pas une demi-seconde à perdre avec ces élucubrations sur son couple et l'instant où, confortablement installé dans le fauteuil de la chaîne américaine CBS, il prit tout son temps pour dégonfler une bulle qui commençait à prendre de l'importance, entre ces deux instants, il y a eu la grande tornade. Avec ses erreurs de communication, ses tentatives désespérées de rectification, ses coupables vite dressés sur une potence, ses victimes expiatoires. Est- ce à dire que l'homme, jadis connu pour sa capacité rare à sentir les grandes opportunités de séduction, doublée naturellement d'un radar naturel pour éviter les pièges, a vu son talent s'émoustiller avec l'exercice du pouvoir au point de donner cette fâcheuse impression de perdre la main ? Entre ces deux séquences, Nicolas Sarkozy était devenu méconnaissable. Il faut, par ailleurs, lui reconnaître une forme de fidélité dans sa manière de faire savoir ses doutes et de transmettre ses convictions sur ces rumeurs. C'est sur le même fauteuil de CBS qu'en novembre 2007 qu'il avait écourtée, avec exhibition précipitée et agacée, lorsque la journaliste de cette chaîne lui posait des questions sur les rumeurs qui couraient (déjà) sur sa vie privée avec… Cécilia Sarkozy. Aujourd'hui, comme une revanche sur l'époque, il a pris soin de prendre son temps pour répondre et expliquer, alors que l'air du temps n'était ni confession zen ni à la correction des accusations graveleuses. Les rumeurs sur les infidélités de son couple, Nicolas Sarkozy prend de la hauteur : «Tout ce petit clapotis n'a pas d'importance pour nous. Cela fait partie de la vie moderne, d'un système». Et de reprocher, dans une tirade d'un narcissisme achevé, aux autres de ne pas raison garder : «Je suis toujours désolé quand, autour de nous, à côté de nous, en face de nous, ou à cause de nous, les gens s'excitent trop». Avec l'air de ne pas trop y toucher, Nicolas Sarkozy avait, sur cette polémique, donné l'impression de ne reconnaître publiquement aucune erreur d'appréciation propre. Tous les couacs qui ont marqué cette affaire au point d'en faire presque un scandale d'Etat étaient simplement l'œuvre de l'entourage emporté par un excès d'amitié et de courtisanerie ou par une maladresse non contrôlée. Parallèlement à cet effort de communication commencé par Carla Bruni sur la Radio du groupe Lagardère Europe1 et poursuivi par Nicolas Sarkozy à Washington sur la chaîne américaine CBS, l'Elysée laisse filtrer des informations selon lesquelles cette mauvaise séquence ne passerait pas sans coupable. Toutes les attentions sont concentrées sur le sort de Pierre Charon, l'homme qui a donné un crédit immense à l'hypothèse du complot et de la machination internationale contre le couple Sarkozy. Sans être démis de ses fonctions de conseiller en communication, Pierre Charon, à la grande satisfaction de Rachida Dati, est privé de réunion quotidienne de l'état-major du président, le cénacle où tout, en termes de communication et de coups politiques, se décide. Une punition à la hauteur de la faute commise, celle de ne pas avoir su doser, d'avoir foncé avec des gros sabots, là où il suffisait de fines allusions.