Selon Fouzia Assouli, la philosophie de la Moudawana n'est pas respectée. La polygamie n'est pas préjudiciable qu'à la femme, elle a aussi des conséquences néfastes sur les enfants et la société en général. ALM : Est-ce que la Moudawana a contribué à la diminution du taux de polygamie? Fouzia Assouli : Certainement qu'il y a eu une régression du taux de polygamie. Mais on ne dispose pas de statistique sur la polygamie avant la promulgation de la Moudawana pour faire de comparaison objective et précise. Le chiffre avancé actuellement est qu'il y a 3% de mariages polygames au Maroc. Mais déjà, en observant les changements de mode de vie dans notre société et l'évolution des mentalités et des habitudes, on peut avancer que le phénomène perd du terrain. Concernant la restriction législative au niveau de la Moudawana, celle-ci peut avoir un effet dissuasif. Mais certains tribunaux n'appliquent pas les dispositions et les conditions imposées par la Moudawana. Des conditions facilement détournées, avec le concours des juges qui les interprètent d'une façon erronée. Comment se perçoit cette non application des dispositions de la Moudawana ? Il faut d'abord que la femme autorise son mari et que ce dernier ait les moyens d'entretenir les deux foyers ainsi que de maintenir la justice entre les deux familles. Il y a aussi le motif exceptionnel dont les juges en font une mauvaise interprétation notamment parce qu'il y a un flou. Cette condition stipule que l'homme doit avancer des arguments solides pour faire un mariage polygame notamment que sa femme est stérile (non qu'elle ne peut plus avoir d'enfant), qu'elle a une maladie qui l'empêche d'assumer, à long terme, ses devoirs d'épouse et pas qu'à court terme. Ces conditions ne sont pas respectées alors que les références qui fondent la Moudawana et selon lesquelles toute interprétation doit être fondée sont la justice ; l'égalité et la levée de préjudice. Et la polygamie est une violation à tous ces principes. La philosophie de la Moudawana n'est pas respectée. On trouve facilement des moyens frauduleux pour détourner la loi sans parler de la corruption. Il est même facile de se faire un certificat de célibat en toute impunité. Pouvez-vous nous indiquer un cas rencontré ? Le cas de la femme qui s'est suicidée à Mohammedia avec ses deux filles il ya une année devait interpeller la société civile, le gouvernement et le Parlement. Elle n'avait pas les moyens de refuser, elle qui ne travaillait pas et n'avait pas où aller. Son mari l'a obligée à lui accorder sa permission. Par désespoir, elle n'a même pas voulu laisser ses filles vivre tellement de peur de les laisser livrées à elles-mêmes. Pourquoi appelez- vous à l'abolition de la polygamie ? Il faut abolir la polygamie parce que la philosophie de la Moudawana n' est pas respectée. La polygamie n'est pas préjudiciable qu'à la femme , elle a aussi des conséquences sur les enfants et la société en général. Plusieurs études l'ont démontré et l'on n'a qu'à voir le nombre d'enfants de la rue. Dans le Coran, il est mentionné que le principe d'égalité est impossible quand on est polygame. Il faut cesser d'instrumentaliser la religion dès qu'il est question des droits des femmes. Il faut abroger la polygamie. La polygamie n'est pas un pilier de l'Islam. Des prescriptions de l'Islam bien plus importantes ont été abrogées notamment l'ablation de la main aux voleurs. Pourquoi n'abolirait-on pas la polygamie.