Fouzia Assouli, secrétaire générale de la LDDF, estime que la réforme du Code de la famille est un pas géant même si les cinq ans d'application du nouveau texte ont révélé plusieurs lacunes. ALM : Comment évaluez-vous le bilan des cinq années d'existence du Code de la famille? Fouzia Assouli : La réforme de la Moudawana a été accompagnée d'un débat qui a concerné toute la société marocaine et pas seulement les élites. Le débat a duré de 1998 à 2004, date de l'adoption du nouveau texte. La réforme du texte de la Moudawana a été un géant pas entrepris dans le sens de la consécration des droits de la femme et de l'homme sur le même pied d'égalité. Une réforme qui consacre la justice, l'égalité et la levée des préjudices. Le référentiel a été inspiré de principes universels et des objectifs et finalités de l'Islam. Pour la première fois, le mariage est devenu une responsabilité des deux époux qui sont égaux. Le législateur a pris en considération, bien évidemment, les intérêts des hommes tout en veillant sur les intérêts des enfants et en mettant sous la responsabilité du ministère public la protection des intérêts de l'enfant et par la même occasion l'intérêt de la société. La réforme a suscité une dynamique chez les femmes, ce qui a abouti à une reprise de la conscience et de la confiance. Cette dynamique a été accompagnée d'une implication davantage des femmes dans le travail associatif, dans l'entrepreneuriat féminin et dans les divers projets de la société. Pour la première fois, nous avons constaté que certaines pratiques, tel le divorce par discorde, sont de plus en plus mises en oeuvre. D'autres progrès ont été également enregistrés concernant la pension alimentaire, la garde des enfants et la restriction de la polygamie. La Moudawana se veut une véritable refonte du droit régissant la famille, mais ces cinq ans d'existence ont révélé certaines lacunes, qu'en pensez-vous ? Le respect de la philosophie de la loi n'est pas toujours pris en considération. Ce constat a été mis en exergue à maintes reprises par les statistiques officielles. Le législateur a doté les juges d'un pouvoir d'appréciation. Certains de ces derniers ne respectent pas le référentiel. Un exemple très significatif peut rendre compte de ce constat. En ce qui concerne le mariage des mineures, même si les statistiques officielles du ministère de la Justice indiquent que l'âge minimal autorisé pour le mariage des mineures est de 14 ans, la LDDF a relevé des cas où on a autorisé le mariage de fillettes ne dépassant pas 13 ans. On constate que les demandes pour le mariage des mineures, au lieu de baisser, sont en constante progression. Le mariage des mineures doit être l'exception et non pas la règle. Concernant la polygamie, le Code de la famille prévoit l'interdiction de cette pratique sauf exception. Là encore, le juge a un pouvoir d'appréciation. La loi a omis de clarifier les motifs exceptionnels dérogatoires au principe de l'interdiction. Il y a aussi le problème du partage des biens. La procédure du partage n'est pas liée et ne figure pas dans la procédure du divorce. D'autant plus que les femmes ignorent ce droit. En ce qui concerne la pension alimentaire, la loi avait prévu la mise en place de la Caisse de solidarité sociale au cas où le mari serait défaillant ou en raison de la lenteur de la procédure en cas de divorce. Jusqu'à présent, cette caisse n'a pas encore vu le jour. Que suggérez-vous pour pallier ces carences ? Il est temps que le législateur se dote des moyens financiers et humains pour permettre le succès de ce projet de société. Il est appelé à assurer la bonne application de certaines dispositions de la loi. Il est aussi temps d'ouvrir de nouveaux chantiers. Nous avons revendiqué, à maintes reprises, la révision de certaines pratiques injustes. Au-delà du Code de la famille, que pensez-vous de la levée des réserves sur la convention sur l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes ? Déjà la réforme du Code de la famille est une nouvelle philosophie. Les réserves sur cette convention étaient devenues caduques puisqu'elles concernaient la pension alimentaire et l'inégalité entre les deux sexes.