Nicolas Sarkozy a été contraint de faire marche arrière et de désavouer publiquement Brice Hortefeux et Eric Besson. Il est très facile d'imaginer le jus de crâne torturé qui a dû couler lors des nombreuses réunions à l'Elysée qui précédèrent le feu vert donné à la jeune Marocaine Najlae Lhimer de revenir en France. Elle avait été expulsée vers le Maroc manu militari après qu'elle se soit présentée elle-même à un poste de police pour se plaindre des violences physiques que lui faisait subir son frère. Depuis le début de cette affaire, d'abord la presse, ensuite certains leaders du Parti socialiste, se sont émus de voir cette brusque expulsion pratiquée sans état d'âme sur des gens venus porter plainte et donc chercher de l'aide auprès des représentants de l'Etat, d'y sentir l'odeur d'un honteux piège qui déshonore la puissance publique. Et quand le parcours de Najlae Lhimer, son âge, son histoire et sa détresse ont été connus du grand public, l'affaire avait presque pris des proportions d'un scandale d'Etat. Le président de la République qui avait été sollicité et qui avait vu la mousse monter dans ce contexte électoral sensible, avait le choix entre trois attitudes. Faire la sourde oreille devant cette avalanche de critiques, soutenir ouvertement la décision de son ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux dont l'opposition après avoir pointé son racisme ordinaire avec son histoire d'Auvergnats, pointe aujourd'hui son manque d'humanité. Ou troisième hypothèse, permettre à Najlae Lhimer de rejoindre la France. Sauf à penser que sur ce sujet sensible de l'immigration, Nicolas Sarkozy ait demandé à ses deux collaborateurs, Brice Hortefeux ministre de l'Intérieur et Eric Besson ministre de l'Immigration, de jouer les méchants, de pratiquer un sadisme aveugle pour que lui apparaisse comme un Robin des bois, redresseur des torts et défenseur de la veuve et de l'orphelin, l'affaire Najlae Lhimer a été le révélateur d'un grand dysfonctionnement. Pour Hortefeux comme pour Besson, expulser de cette manière revient à adresser un message très clair sur leur fermeté et leur détermination à lutter contre l'immigration clandestine. Ce qui, depuis leur nomination respective, constituait leur unique fonds de commerce. Cette fermeté a été régulièrement encouragée par Nicolas Sarkozy qui, de temps à autre, oublie sa fonction de président de la République pour parler comme le ministre de l'Intérieur qu'il a été pendant de longues années et où il avait montré une grande passion et un solide engagement. Dans le cas de Najlae Lhimer, cette fermeté revendiquée jusqu'à l'entêtement a eu un étrange effet boomerang. Pressé de mettre ses paroles sur la nécessité de lutter contre la violence faite aux femmes en adéquation avec ses actes, Nicolas Sarkozy a été contraint de faire marche arrière et de désavouer publiquement Brice Hortefeux et Eric Besson. Le rétropédalage a eu pour décor la Journée internationale de la femme et pour acteurs de pression les 22 représentants des associations de femmes reçues à cette occasion. Mais l'affaire Najlae Lhimer n'a pas fini de faire parler d'elle. La jeune Marocaine est devenue un symbole vivant d'un grand malaise français. Car ce qu'Eric Besson considère comme un geste humanitaire de la part du président de la République, les socialistes par la voix d'Harlem Désir y voient un simple «fait du prince».