Au lieu d'avoir le courage d'aller vers cet arbitrage, M. Raïssouni avait choisi d'opter pour une autre méthode : la diffamation publique d'un journaliste professionnel et d'une publication respectueuse… Ahmed Raïssouni, le président déchu du Mouvement Unicité et Réforme (MUR), tente encore une fois de faire un come-back sur la scène politique nationale. Renié par ses frères du MUR, lâché par ses compagnons du «jihad politique» au sein du Parti de la justice et du développement en 2004 suite à ses déclarations fracassantes sur la Commanderie des croyants, il essaye, aujourd'hui, à nouveau de se remettre sur selle. En vain. Quand on perd à la fois sa crédibilité intellectuelle et sa probité politique, on ne peut plus aspirer à les recouvrer. Ce sont des choses qui ne peuvent être retapées. Dans son édition du jeudi 24 décembre, notre confrère arabophone Al Massae a publié un entretien avec le président déchu du MUR dans lequel M.Raïssouni revient, entre autres, à une affaire que l'ensemble des acteurs politiques et médiatiques estimaient close depuis plus de six ans. Interrogé sur sa position sur la Commanderie des croyants (Imarat Al Mouminine), et s'il avait changé de position, entre-temps, sur cette question, il a répondu avec la même ambiguïté qui a marqué son discours d'il y a quelques années et qui a été à l'origine de sa déchéance. «Oui, ma position, comme je l'avais expliquée à l'époque, et non pas comme elle avait été publiée par le journal en question, car la traduction de l'arabe au français, et la synthèse qui en a été faite après, a provoqué plusieurs déformations, que j'avais expliquées. Le fond des paroles et le fond des idées étaient vrais, mais l'amputation du texte et la traduction ont provoqué certaines altérations. En plus, le journaliste a trahi «al amana» (NDLR, le dépôt de confiance, dans le vocabulaire de la charia islamique) et n'a pas respecté notre accord sur l'obligation pour lui de me remettre la transcription dudit entretien avant sa publication. Il a donc procédé à la transcription, la traduction, la synthèse et la publication sans revenir vers moi comme il avait été convenu. Tout cela avait coïncidé avec les événements du 16 mai, ce qui a fait que cette affaire avait été mal prise. Sinon, ce que j'avais dit à l'époque c'est des idées que je maintiens et qui n'ont pas changé», a déclaré M. Raïssouni à notre confrère Al Massae. Dans cette nouvelle déclaration, le fquih Raïssouni revient une énième fois à son discours ambigu sur ce qui s'est passé début mai 2003 entre lui et moi en m'accusant d'avoir déformé ses propos. A l'époque, et au lendemain de la publication de l'entretien, et après avoir été largement critiqué, d'abord, par ses frères au sein du PJD et du MUR, il avait rendu public un communiqué dans lequel il citait explicitement mon nom et en m'accusant d'avoir déformé ses propos, ce qu'il fait encore une fois sur les colonnes du quotidien Al Massae. Une thèse qu'il a continué à défendre tout au long des dernières années sans que je ne réagisse officiellement et directement à ces ragots considérant que le fait qu'il ait fini par démissionner de son poste de président du MUR était en soi une preuve suffisante aux yeux de l'opinion publique que l'homme avait bien dit ce que les siens d'abord lui avaient reproché et que le fait de m'accuser d'avoir déformé ses paroles n'était qu'une manière de vouloir se dérober de sa responsabilité. Toutefois, on ne peut accepter indéfiniment d'être accusé de «malhonnêteté» sans prendre la parole pour se défendre. «L'honnêteté intellectuelle» et le respect de «la déontologie» sont les deux principales qualités d'un journaliste professionnel. Deux qualités que M. Raïssouni, en violation de toutes les règles morales et religieuses, n'a pas cessé, durant les six dernières années, de m'accuser explicitement et publiquement d'en être dénué. Or la vérité est que M. Raïssouni n'aurait jamais subi le sort qu'il avait subi s'il n'avait pas vraiment dit ce qu'il avait dit. Doit-on rappeler à M. Raïssouni qu'Aujourd'hui le Maroc avait publié, au lendemain de sa réaction reniant ses propos, un article dans lequel nous invitions le président du MUR à nous référer à un arbitrage d'une commission déontologique dont nous lui laissions le soin de choisir les membres et nous affirmions notre disposition à remettre l'enregistrement de ladite interview à cette commission d'arbitrage. «Nous nous sommes attachés à reproduire fidèlement la teneur de l'interview de l'intéressé. Pour prouver notre bonne foi, nous sommes disposés à verser la cassette de l'enregistrement à une commission déontologique pour défendre la crédibilité de notre publication qu'Ahmed Raïssouni a cherché à entacher. C'est regrettable que M. Raïssouni, un homme du reste responsable, en arrive à ce genre de méthodes», lisait-on dans ALM du 23 mai 2003. Existe-t-il une meilleure preuve d'honnêteté professionnelle ? Toutefois, et au lieu d'avoir le courage d'aller vers cet arbitrage, M. Raïssouni avait choisi d'opter pour une autre méthode : la diffamation publique d'un journaliste professionnel et d'une publication respectueuse à travers une série de communiqués et de déclarations. Certains communiqués et nous en gardons les copies, et après m'avoir accusé nommément d'avoir volontairement déformé ses propos, se terminaient, étrangement, par le verset coranique n°228 de la sourate Achoaârae qui dit «Les injustes verront bientôt le revirement qu'ils [éprouveront]!». Une aussi étrange chute portait en elle des insinuations de menaces ou, du moins, une indication, peut-être involontaire, d'une cible. Chose dont les services de sécurité nationaux avaient pris acte en son temps. Faut-il rappeler qu'un tel acte intervenait à quelques jours des attentats sanglants qui avaient frappé la ville de Casablanca, le 16 mais 2003. Des attentats qui ont été planifiés et exécutés par la Salafiya Jihadia. Une organisation terroriste dont M. Raïssouni appelle à libérer les membres détenus suite à leur condamnation par les différents tribunaux du Royaume et avec lesquels, étrangement aussi, il s'est à maintes reprises proposé en tant que médiateur. Mais au-delà de l'affaire dite de «la Commanderie des croyants», il est clair que la sortie médiatique du fquih Raïssouni n'est pas un acte individuel et isolé. Elle s'inscrit dans une stratégie globale initiée par les dirigeants du MUR – qui demeurent les vrais patrons du PJD – pour pouvoir rebondir après avoir perdu la main ces derniers mois grâce à l'arrivée sur scène du PAM, un parti politique structuré et potentiellement fort, qui a réussi à leur couper l'herbe sous les pieds lors des élections communales. Une échéance électorale pour laquelle ils travaillaient depuis plusieurs années. Ayant perdu la main, ils tentent de récupérer des forces en rappelant au service leur «mollah» spirituel. Il suffit d'analyser la multiplication des sorties médiatiques des leaders du PJD ces derniers jours (2M, Al Massae, Al Jarida, etc.) pour se rendre compte que les ténors de l'islamisme marocain sont en train de vouloir reprendre le monopole de la parole qu'ils ont perdu, démocratiquement, au profit du PAM. D'ailleurs, et pour marquer son retour, le chef spirituel des islamistes du PJD a tenu d'emblée à critiquer d'une manière insolente l'action de l'Etat sur l'affaire de la dénommée Haidar. «Il y a beaucoup de faiblesse. La politique de l'Etat ne montre pas l'existence de la sagesse et de l'anticipation. Tout événement peut mettre l'Etat en alerte…», estime M. Raïssouni. La question que l'on serait tenté de lui poser est : «que voulez-vous dire par l'Etat, M. Raïssouni ?» Il répondra certainement avec la même ambiguïté qui a toujours marqué son discours politico-islamiste.