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Pasqua fait trembler la République
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 30 - 10 - 2009

Pasqua a fait de sa demande de levée du secret-défense un angle d'attaque dans toutes ses interventions médiatiques.
Qui aurait cru que le terrible Monsieur Pasqua allait cuver en silence la prison ferme qu'il vient de décrocher dans le procès de l'Angolagate, ruminer froidement la malédiction judiciaire qui l'a frappé à 82 ans au crépuscule d'une vie politique bien fournie ? Personne. Un lion à la posture d'un parrain, même édenté a encore la capacité de mordre. C'est ce que Charles Pasqua vient de montrer avec une violence et une détermination aussi subite que le jugement à la prison ferme pour un politique dans ce genre de procès était inattendu. L'arme brandie par le plus méditerranéen ministre de l'Intérieur que Jacques Chirac ait donné à la France, est celle de dynamiter le secret-défense, cette avenante pratique de la cinquième République qui protège et garantit une impunité presque éternelle à des comportements peu reluisants de l'Etat et des hommes politiques quand les deux violent allégrement la loi. Charles Pasqua a fait de sa demande de levée du secret-défense un angle d'attaque dans toutes ses interventions médiatiques qui se sont multipliées pour bien faire parvenir son message. A un journaliste qui lui demandait si la levée du secret-défense pourrait faire trembler la République, Charles Pasqua répond avec une bonhomie habituelle : «Non, ça ne fera pas trembler la République, ça fera trembler un certain nombre de personnages de la République». Et, relance de l'intervieweur «ça garnira les prisons?». «Probablement», répond avec une jubilation rentrée Charles Pasqua. Dans la ligne d'accusation de Charles Pasqua, trois hommes politiques, l'ancien président Jacques Chirac, l'ancien Premier ministre Edouard Balladur et l'actuel maire de Bordeaux Alain Juppé. Si Edouard Balladur s'est empressé de dire qu'il n'était pas au courant de ces affaires, c'est Dominique de Villepin qui s'est porté au secours de Jacques Chirac qui observe en ce moment un silence de moine, pour dire que l'ancien président de la République n'était au courant de «rien» dans ces affaires de rétro-commissions. Sur un autre média, élargissant le cercle de ses menaces, Charles Pasqua demande la levée du secret-défense sur d'autres affaires notamment celles où des hommes politiques encore en exercice sont cités: «Que l'Etat lève le secret-défense sur tout (...) non seulement sur cette affaire là (Angolagate)... mais qu'il le lève également sur Clearstream, sur les frégates de Taïwan, sur les ventes d'armes à l'Afghanistan (…) Les Français ont besoin de le savoir». Cette demande est une allusion directe à l'affaire de l'attentat de Karachi qui avait coûté la vie à quatorze personnes dont onze ingénieurs français et qui serait le résultat d'un contentieux franco-pakistanais lié au non versement de commissions suite à une vente de sous-marins. Dans cette affaire, les enquêteurs avaient cité les noms de Nicolas Sarkozy et d'Edouard Balladur. Le message répété à l'envi et conjugué sur tous les tons par Charles Pasqua en direction de ses amis politiques est le suivant : «Si je dois faire de la prison ferme, ceux d'entre vous qui me laisseront tomber, prendraient sinon la cellule voisine, du moins une suspicion mortelle qui plombera leur carrière».
L'opposition qui guette la moindre occasion d'enfoncer davantage Nicolas Sarkozy, s'est emparée de la demande de Charles Pasqua de lever le secret-défense. Des socialistes comme Arnaud Montebourg, Jean Christophe Cambadelis ou Manuel Valls ont lancé une pétition dans laquelle ils écrivent en direction de l'Elysée : «Il est temps de changer d'époque et le président de la République Nicolas Sarkozy (...) doit répondre positivement à la levée du secret-défense». Cette affaire apporte une complication supplémentaire à la gouvernance de Nicolas Sarkozy, plombé déjà dans les sondages par les nombreux faux pas de ces dernières semaines. Même si il a déjà laissé dire par son entourage que la levée du secret-défense ne vient qu'à la suite d'une décision de justice, le président de la République ne peut rester insensible au risque du grand déballage que promet un homme blessé et à terre comme Charles Pasqua et ses retombées sur sa propre famille politique.


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