Mohamed Darif affirme qu'un éventuel remaniement ministériel reste une possibilité. ALM : La majorité gouvernementale ne cesse de donner des signes d'incohérence. Est-il temps de la remanier? Mohamed Darif : Tout d'abord, il ne faut pas faire d'amalgame entre le remaniement technique et le changement du gouvernement. Le changement est une démarche qui touche le noyau dur du gouvernement. C'est-à-dire le limogeage du Premier ministre et la mise en place d'une nouvelle majorité. Le remaniement demeure, quant à lui, une démarche technique qui se traduit par le remplacement de certains ministres. Pour revenir à votre question il faut revenir un peu en arrière. Feu Hassan II avait instauré la méthode démocratique dès le gouvernement de l'alternance en 1998. Après avoir obtenu la majorité des voix, l'USFP a occupé le poste de Premier ministre en la personne de Abderrahmane El Youssoufi. L'USFP a continué à occuper ce poste même après l'intronisation du Roi Mohammed VI mais avec un léger remaniement. Ensuite le gouvernement Driss Jettou est intervenu. Il y a eu aussi un remaniement par la suite, mais jamais de changement du gouvernement. Ainsi, dans l'état actuel des choses on est loin du changement du gouvernement, mais le remaniement technique reste une possibilité. Pouvez-vous nous justifier ce constat? Il y a trois arguments derrière mon point de vue. Tout d'abord, le discours royal du 20 août 2007 était clair. Le Souverain avait demandé aux citoyens, à la veille des élections, de faire le bon choix car ce choix les engagera pendant cinq ans. Nous sommes ainsi devant un discours royal qui formule un engagement explicite et une sorte de garantie pour le gouvernement. Le deuxième argument c'est que le Roi Mohammed VI a respecté le résultat des urnes et la méthode démocratique en mettant le parti de l'Istiqlal qui a obtenu la majorité, à la tête du gouvernement. Le troisième argument c'est que le Souverain, à travers ses discours, renouvelle à chaque fois sa confiance en le gouvernement Abbas El Fassi. Je pense que ces trois arguments mettent le gouvernement à l'abri du changement au moins jusqu'aux élections de 2012. Que pensez-vous de l'amalgame qui existe actuellement entre la majorité et l'opposition? Pour expliquer cette situation, il faut faire référence à deux étapes essentielles de l'histoire politique contemporaine du Maroc. La première étape c'était la période avant le gouvernement de l'alternance. A cette époque, les frontières entre les partis de l'opposition et ceux de la majorité étaient clairement dessinées. L'USFP, le PPS et le parti de l'Istiqlal, formant la majorité actuelle, étaient dans l'opposition. Lors de la deuxième étape, c'est-à-dire la mise en place du gouvernement El Youssoufi, les partis de l'opposition ont intégré la majorité. Les anciens partis de l'opposition ont trouvé une difficulté à faire le travail du gouvernement et ceux de l'ancienne majorité n'étaient pas habitué à faire de l'opposition. A partir de là, l'amalgame a été créé. Peu de temps après, est émergé le concept du soutien critique piloté par le MPDC, l'actuel PJD. Puis, il y a eu le concept d'opposition qui conseille ou l'opposition constructive. Autant de concepts qui ont contribué à cet amalgame.