Le photographe Khallil Nemmaoui participe à la Biennale des images du monde (Photoquai) qui aura lieu, du 22 septembre au 22 novembre prochains, au Musée parisien du Quai Branly. Il parle de son travail. ALM : Que représente pour vous cette participation à la Biennale des images du monde? Khallil Nemmaoui : Cette participation est pour moi une forme de reconnaissance de mon travail. Malheureusement au Maroc, pour ce métier de photographe, il faut que cette reconnaissance provienne de l'étranger pour que l'on soit reconnu au pays. Cette participation constitue une responsabilité, et m'incite à avoir encore plus d'engagement vis-à-vis de mon art. Elle me redonne aussi confiance en moi pour oser encore plus, montrer mon regard et ce que je fais. Désormais, il s'agit pour moi de m'exprimer plus au lieu d'être dans l'engrenage de la photo de commande et la photo commerciale et médiatique. C'est comme les peintres au 14ème siècle. On leur commandait de faire des portraits de nobles. Ce n'est que plus tard qu'ils accédèrent au stade de proposer leur art et leur façon de voir. Aussi actuellement avec la démocratisation de la photo grâce à la vulgarisation du numérique, notre métier est devenu beaucoup plus exigeant, et le regard du photographe beaucoup plus important. Vous vous êtes installé depuis une année en France. Est-ce que cela a influencé votre travail? Et qu'allez-vous exposer à la Biennal ? Je continue à travailler au Maroc. Mon identité artistique est marocaine. C'est ce qui me permet d'être ce que je suis en France. Mon regard de photographe a été éduqué au Maroc. Le Maroc est aussi l'objet principal de mes photographies. Par exemple, je ne pourrais photographier Paris de la même manière que le ferait un Parisien. Mes photos de cette ville seraient folkloriques. Ce serait de même pour un étranger venu photographier le Maroc. Le travail que je présenterai à la Biennal s'intitule «La maison de l'arbre». Il est dépouillé et contemporain, et a été fait dans la campagne marocaine. On y aperçoit souvent des arbres et des constructions. L'être humain y est présent par ses traces, mais on ne le voit jamais. Sa présence se révèle à travers deux choses. Soit il construit sa maison à côté d'un arbre (Cactus, palmier...) , soit il plante à côté de chez lui un arbre. C'est un message pour la préservation de l'environnement. Allez-vous exposer votre travail au Maroc ? Ce travail comprend une série de 100 photos. J'ai dû en choisir 4, puisque 50 photographes de 50 pays hors l'Union européenne participent à cette exposition au quai de la Scène à Paris. C'était très dur de choisir ces quatre photos, parce que ce travail est intéressant dans sa continuité. Je compte exposer l'ensemble de ce travail au Maroc dès la fin de cette exposition. Comment évaluez-vous le marché de la photographie d'art au Maroc ? Aujourd'hui, la reconnaissance pour cet art provient de jeunes couples. Ils s'intéressent de plus en plus à la photo et en achète. Ce sont souvent de jeunes cadres de moins de 40 ans qui ont eu l'occasion de voyager et de visiter plusieurs expositions de part le monde (Berlin, New-York, Paris...). Au lieu d'acheter l'oeuvre d'un peintre moyen, ils préfèrent acheter celle d'un bon photographe. Mais au Maroc, les institutions (musées, atelier, fondations culturelles, mécènes...) ne suivent pas. Ils organisent très peu d'expositions, sinon jamais. L'exposition de Touhami Ennader, ce grand photographe à la Villa des arts était un grand événement. Il faut de plus en plus organiser ce genre d'expositions. Vous étiez aussi saxophoniste du groupe Darga. Pourquoi avez-vous interrompu votre carrière musicale? C'était une très belle expérience avec le groupe Dargua. Mais ce n'était plus possible de concilier mon métier de photographe et ma passion pour la musique. Je fais de la musique depuis l'âge de 5 ans, mais aujourd'hui, je me sens plus dans une maturité photographique que musicale. Mais mes deux casquettes se sont mêlées à un moment, puisque j'ai fait pendant 10 ans les grands festivals de jazz du monde et particulièrement les coulisses. Aussi le silence dans mon récent travail, «La maison de l'arbre», a une grande importance. Un grand musicien italien a dit un jour : «Le maître élégant de la musique, c'est le silence».