La majorité présidentielle, sous l'impulsion du Premier ministre, François Fillon, plus combatif que jamais, tente de garder l'avance que les bienveillants sondages lui accordent. A une semaine des élections européennes, la campagne bat son plein. Les socialistes tentent d'afficher une unité perdue. La majorité présidentielle, sous l'impulsion d'un François Fillon plus combatif que jamais, tente de garder l'avance que les bienveillants sondages lui accordent. Nicolas Sarkozy, fidèle à un réflexe pavlovien, remet l'insécurité au centre du débat politique. Pendant ce temps, les politologues avisés s'amusent à dresser un palmarès des personnalités de la majorité présidentielle les plus impliquées dans la campagne électorale. Un palmarès extrêmement révélateur des enjeux et des calculs des uns et des autres. Chacun joue sa partition avec la conviction de montrer ou sa capacité de nuisance ou sa force d'influence. En bas de cette liste des ministres qui s'impliquent le moins dans cette campagne, figurent deux stars incontestables du casting de Nicolas Sarkozy. Le premier est Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères dont le porte-parole Eric Chevalier vient d'être nommé ambassadeur en Syrie, avait défrayé la chronique de ces élections en se grattant publiquement la chevelure en se demandant pour quelle liste il allait voter. Lui l'homme de gauche qui avait rejoint Nicolas Sarkozy, ne savait plus s'il allait voter pour la liste UMP du président, ou celle de la famille socialiste qu'il avait quittée sans grands regrets, mais avec des aigreurs périodiques. Devant le mini-drame ironique dont il était le héros malheureux, Bernard Kouchner dut ravaler son chapeau et annoncer avec un fracas artificiel qu'il allait voter pour l'UMP. Le ministre de Affaires étrangères ne sortit pas grandi de cette mésaventure. Ses actuels amis de la majorité présidentielle ont pointé son infidélité et son ingratitude et ses anciens alliés socialistes ont mis en valeur l'épaisseur de son reniement. A tel point que certaines déclarations socialistes ont préféré la trahison aiguë et sans forfaitures d'un Eric Besson aux louvoiements de Bernard Kouchner. Le locataire du Quai d'Orsay semble réussir l'exploit de ne participer à aucun meeting électoral. Son soutien à la liste de l'UMP se limite à la tornade médiatique qu'avait provoquée son hésitation calculée. Signe que l'étoile du ministre des Affaires étrangères est en train de pâlir à la veille du remaniement ministériel, la liberté de ton que prend avec lui Christine Lagarde, lorsque, commentant son idée de taxer les transactions monétaires, elle le tacle avec une ironie qui frise l'indécence : «Vous savez, quand les ministres des Affaires étrangères se mettent à sortir la boîte à idées finances, on peut tout attendre». L'autre figure qui brille par son absence dans cette campagne des européennes est à trouver à quelques bureaux de Bernard Kouchner. Il s'agit de la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme Rama Yade. Elle s'était illustrée, côté UMP, comme la plus grande déflagration de ces élections le jour où elle avait osé tenir tête à Nicolas Sarkozy et refusé de prendre la tête de liste UMP en Ile-de-France, la place que prend aujourd'hui Michel Barnier. Rama Yade dut subir les foudres présidentielles et fut accusé de lâcheté là où elle avait senti une volonté de l'exiler vers des cieux européens moins valorisants. Par son spectaculaire refus, Rama Yade s'est exclue d'elle-même de ce combat électoral. Elle devenait impossible à croire dans tous les cas de figure où elle mettait en valeur les engagements européens de son parti. L'UMP, par la voix de Michel Barnier, a voulu l'embrigader comme un symbole. Elle avait aggravé son cas en niant pouvoir jouer les porte-parole ou participer à des meetings. Rama Yade s'est définitivement mise hors jeu. Deux ministres symboles de l'ère Sarkozy qui ont traîné les pieds à participer dans les combats de la grande famille UMP. Une situation qui ne manquera pas d'interpeller de fond en comble les choix d'ouverture imposée par Nicolas Sarkozy. Mais le président peut toujours arguer devant ses troupes réticentes à sa politique qu'il n'a jamais retourné un homme comme Bernard Kouchner ou embrigader une femme comme Rama Yade dans le seul but de gagner une élection intermédiaire.