François Bayrou a utilisé l'attaque contre Nicolas Sarkozy comme l'unique angle d'existence politique, à tel point que ses adversaires, comme ses amis, la décrivent comme une incurable obsession. Il a été la surprise la plus inattendue de l'élection présidentielle de 2012 en occupant une précieuse troisième place. Il sera sans aucun doute la grande attraction des élections européennes du 7 juin prochain. François Bayrou, le patron du MoDem ne cesse de surprendre. Un sondage vient de le propulser au rang du seul homme politique français capable de croiser efficacement le fer avec Nicolas Sarkozy au cours de l'élection cardinale de 2012. François Bayrou vient de publier un brûlot contre Nicolas Sarkozy intitulé «Abus de pouvoir». Un livre dont le ton, la stratégie et les visées politiques rappellent à certains le livre écrit dans les années soixante par François Mitterrand contre le Général de Gaulle et resté dans les mémoires comme «le coup d'Etat permanent». Il a sufi à certains observateurs d'établir cette comparaison pour qu'une impitoyable levée de boucliers soit levée contre le trublion centriste de la vie politique française. François Bayrou a utilisé l'attaque contre Nicolas Sarkozy comme l'unique angle d'existence politique, à tel point que ses adversaires, comme ses amis, la décrivent comme une incurable obsession. Pour contrecarrer l'effet Bayrou sur cette campagne des européennes, Nicolas Sarkozy a laissé parler la grosse artillerie. Claude Guéant, le secrétaire général s'est voulu sans concession à l'encontre de François Bayrou : «Je trouve qu'on n'a pas le droit de se faire un imprécateur ainsi en courant le risque de dire n'importe quoi». Le secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, n'avait pas de mots assez durs pour dévitaliser le livre: «Abus de pouvoir» est «un ouvrage vide de propositions mais rempli de haine». Tandis que le ministre du Budget, Eric Woerth, accuse François Bayrou d'être «passé du centrisme à l'égocentrisme». En décrochant la palme du meilleur challenger de Nicolas Sarkozy, François Bayrou dame le pion aux socialistes en manque d'un leader naturel pour mener ce combat. L'interrogation sur les ressorts de ce phénomène est d'autant plus pertinente que François Bayrou fait office de parent pauvre de la galerie politique française. Il n'est pas à la tête d'une grande machine électorale comme pourrait l'être le PS. Le MoDem est une structure confidentielle qui n'a pas encore réussi une implantation dans le terroir français. Il n'est pas à la tête d'un puissant groupe parlementaire. Il compte à peine trois parlementaires réellement acquis et six sénateurs sympathisants. Une infrastructure squelettique. Pas de quoi mener une guerre avec des grandes divisions. Il ne compte dans la presse aucun grand groupe qui le soutient. Bien au contraire, il avait passé le plus clair de sa stratégie à dénoncer avec une vigueur inédite les collusions coupables entre les politiques, les médias et les puissances de l'argent. Et pourtant, François Bayrou a réussi à développer les réquisitoires les plus implacables, sans doute le plus sincère contre la gouvernance de Nicolas Sarkozy. Cette réussite, il la doit sans doute à une situation originale. Il n'est pas prisonnier des calculs d'appareil qui paralysent la rue Solferino. Il n'est pas victime de la passion survoltée d'un Dominique de Villepin, ni la rhétorique nihiliste d'un Olivier Besancenot, leader de l'extrême gauche. Le leader centriste, devenu la bête noire de la droite qui l'accuse de trahison et de la gauche de lâcheté, n'arrête pas de porter des estocades cinglantes à Nicolas Sarkozy, en pointant les défaillances de sa gestion comme l'indiquent les nombreuses revendications: «A l'université : grand sentiment d'impasse. Dans l'hôpital, incompréhension: on ne change la réalité que pour les CHU, c'est-à-dire pour les plus puissants (…) On retrouve partout ce sentiment de ne pas être entendu par des pouvoirs qui continuent leur chemin comme si de rien n'était». Le reproche le plus aigu que subit François Bayrou par ses détracteurs est celui de vouloir absolument mélanger les scrutins et les enjeux. Ce à quoi, il répond en Européen convaincu: «Quand vous parlez du destin de votre pays et du destin de l'Europe, c'est le même sujet (…) Il n'y a pas un citoyen français et un citoyen européen, ce sont les mêmes». .