Bernard Kouchner est accusé d'avoir vécu un conflit d'intérêt aigu entre sa fonction de ministre de la République et son ancienne occupation de consultant de certains pays africains dans le domaine de la santé. A dire vrai, voilà un livre qui tombe très mal pour le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, une des personnalités les plus populaires et les plus aimées par les Français. A quelques courts petits mois d'un remaniement gouvernemental, le livre de Pierre Péan, «Le monde selon K» paru hier mercredi aux éditions Fayard, sonne comme une violente charge contre le «French doctor» d'obédience socialiste devenu caution d'ouverture pour Nicolas Sarkozy. Il s'agit d'un portrait extrêmement bien fouillé de la personnalité et de l'itinéraire de Bernard Kouchner. Et au passage d'un chapitre, Bernard Kouchner est accusé d'avoir vécu un conflit d'intérêt aigu entre sa fonction de ministre de la République et son ancienne occupation de consultant de certains pays africains dans le domaine de la santé. Pierre Péan accuse Bernard Kouchner d'être intervenu auprès de Omar Bongo le 25 mai 2007, alors qu'il était déjà nommé à la tête de la diplomatie française, pour réclamer le paiement de 800.000 euros de factures établies par deux sociétés de conseils, Africa Steps et Imeda créées en 2002 par deux de ses proches. Bernard Kouchner aurait dû s'inquiéter en apprenant qu'un écrivain comme Pierre Péan enquête sur lui. L'homme est un poids lourd du journalisme d'investigation à la française, un fleuron de ces rares enquêteurs qui prennent vraiment le temps d'ausculter leur proie avant de fondre sur elle avec une passion manifeste de destructeur de mythes. Dans sa besace, Pierre Péan collectionne des icônes aussi puissantes que «l'irréprochable» jeunesse de François Mitterrand, l'inattaquable citadelle qu'était la chaîne du bétonneur Bouygues TFI ou le mythique journal de Hubert Beuve-Mery «Le Monde», sans parler de ces innombrables affaires qui font le charme très particulier de ce qu'il est convenu d'appeler «La FrançAfrique». Cette violente charge contre Bernard Kouchner n'est pas passée inaperçue. Opposition comme majorité ont tenu à la commenter en des termes qui en disent long sur la suite que pourrait prendre ce débat. Il faut dire que ce genre d'ouvrage est susceptible de coaguler contre Bernard Kouchner deux types d'hostilité. Celle de personnalités au sien de la majorité présidentielle qui n'ont jamais accepté que Nicolas Sarkozy pousse l'ouverture jusqu'à offrir sur un plateau d'argent des postes aussi prestigieux, aussi emblématiques que le ministère des Affaires étrangères à ses adversaires, et celle au sein de l'opposition qui n'a jamais avalé la «trahison» d'une icône aussi puissante que Bernard Kouchner, parti «vendre» ses services à l'homme qui a provisoirement mis à genoux la gauche et ses symboles. Dans le couloirs de l'Assemblée, le député UMP Claude Goasguen, la mine contrite, ne savait plus à quel saint vouer sa «surprise» : «Il faut d'abord qu'il s'explique et après il faut voir s'il y a des poursuites ou s'il n'y en a pas. Cela étant, on est tombé des nues quand même, c'est une mauvaise surprise». L'opposition a ourdi ses armes et semble pratiquer une vengeance différée. Le deputé vert Yves Cochet exige ce qui doit être un cauchemar pour Bernard Kouchner : «Je crois qu'il doit être interrogé par la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée, longuement, lors d'une audition», tandis que le chaud bouillant député socialiste Arnaud Montebourg lance comme un défi au ministre des Affaires étrangères : «Si Bernard Kouchner a encore un honneur, il doit enfin s'expliquer sérieusement». Mais le summum du commentaire ambigu fut celui de Martine Aubry, lorsque mi-fielleuse, mi candide, elle lance : «je crois que Bernard Kouchner est un honnête homme. Je pense qu'il aime un peu trop le pouvoir, c'est peut-être pour cela qu'il est là où il est».