Le Roi lance une campagne résolue de villes sans bidonvilles. Le ministre de l'Habitat suit avec efficacité. Mais sur le terrain... L'action en cours, actuellement, contre l'habitat insalubre prend un tour très sérieux. Les responsables semblent, cette fois-ci, faire ce qu'ils ont annoncé de faire rompant ainsi avec une fâcheuse habitude qui voulait que l'annonce se réduise à son effet. Et laissant l'oubli faire le reste. Des baraques sont démolies, des filières mises à jour, des procédures judiciaires lancées et surtout — et c'est courageux — des fonctionnaires, notamment des agents d'autorité, mis en cause. Le nouveau concept de l'autorité qui sert, depuis près d'une décennie, de feuille de route du ministère de l'Intérieur ne peut installer une crédibilité durable que s'il permet à la fois, selon les situations, de récompenser d'une manière visible ou de punir ostentatoirement les agents d'autorité impliqués dans les processus de décisions ou dans la gestion de dossiers sensibles pour les populations. L'impunité — ou la sanction secrète, quand elle existe — était conçue, dans un passé récent, comme une volonté de ne pas nuire à l'autorité naturelle, la Hiba, des personnes censées représenter l'Etat. Un Etat fort se devait d'être infaillible et devait avoir toujours raison y compris contre la vérité vraie. Le théorème était connu : si on sanctionne publiquement un wali, on amoindrit le pouvoir de tous les autres walis. Et cela valait, en cascade, pour les gouverneurs, les pachas, les caïds, etc. La situation était devenue ubuesque. Kafkaïenne. Le Roi lance une campagne résolue de villes sans bidonvilles. Le ministre de l'Habitat suit avec efficacité. Mais sur le terrain, cette politique volontariste est sapée, parfois, par ceux-là même qui doivent l'exécuter. Pour une baraque de démolie, il y a dix qui fleurissent. Le déstockage de l'habitat insalubre est annihilé par les flux incessants de nouvelles constructions «informelles» eux-mêmes nourris par la corruption, le laisser-aller et l'irresponsabilité. Là encore, le schéma est connu. Un développement «métastasique» qui réduit à néant tous les efforts consentis. Aujourd'hui, la résolution qui se fait jour, dans ce domaine devrait, par l'application de la loi, la recherche des responsabilités où qu'elles se trouvent et les garanties de procès, sérieux et équitables, que peut offrir un Etat de droit, donner un signal fort de reconquête urbaine. Pas un mètre carré d'une ville marocaine ne doit plus être laissé à l'abandon, à la disposition des mafias et des criminels du cadre de vie quel que soit leur acabit.