Taoufik Hjira, ministre délégué chargé du Logement et de l'Urbanisme, plaide pour une politique de lutte contre l'habitat insalubre basée sur la stimulation de l'offre du foncier et l'encouragement à l'accès aux crédits. ALM : Dans quelle mesure les attentats du 16 mai ont affecté la politique gouvernementale en matière de lutte contre l'habitat insalubre ? Taoufik Hjira : Le choc de 16 mai n'est pas un événement qui va bouleverser la dynamique lancée par M. Driss Jettou. Le secteur de l'habitat a été identifié comme étant parmi les secteurs prioritaires du gouvernement conformément aux directives de S.M le Roi. Dans ce chantier, l'action de notre ministère est axée sur l'habitat social avec une attention particulière pour les ménages à très faible revenu. Cette catégorie d'habitat, qualifiée d'habitat à très faible VIT, se situe entre la fourchette de prix de 80 mille et 120 mille DHS. Concrètement, notre action sera basée sur la stimulation de l'offre et de la demande. Ainsi, pour l'offre foncière, notre département est en train de finaliser, pour 2003, l'opération de la mise à disposition du secteur privé d'environ 100 hectares du foncier public avec des prix et des conditions préférentielles. Cette offre sera renouvelée régulièrement puisque le gouvernement déterminera chaque année une superficie du foncier à céder. Cette opération est menée en coordination avec les ministères de l'Intérieur, des Finances et de l'Agriculture. Outre la résolution du problème du foncier, nous sommes en train de revoir les normes de l'urbanisme, la productivité des agences urbaines ainsi que la réduction des délais d'autorisation. Pour le monde rural, à partir de fin juillet, nos agences urbaines procéderont à la distribution gratuite des plans- type. Qu'en est-il de votre programme pour stimuler la demande surtout compte tenu des exigences draconiennes du système bancaire ? Pour permettre l'ouverture du système bancaire sur les ménages à faible revenu, le Premier ministre s'apprête à annoncer incessamment les détails sur la mise en place d'un fonds de garantie. Nous travaillons sur la finalisation de ce projet en vue de déterminer le montant qui sera affecté au fonds, son mode de fonctionnement et son lieu de domiciliation. Le gouvernement s'active également pour convaincre les banques à s'inscrire dans cette dynamique d'appui aux ménages à faible revenu. J'insiste sur le fait que cette initiative de création d'un fonds tend à immuniser le système bancaire lors de l'octroi de crédits contre tout risque d'insolvabilité. D'ailleurs, je tiens à féliciter la BCM et la BMCI qui viennent de mettre sur le marché des offres de crédit habitat (Sakan plus et Meftah) pour une durée qui varie entre 20 et 25 ans avec la possibilité de financement à 100% et un taux de l'ordre de 6,50 %. Bien sûr, ces offres ne concernent pas l'habitat social, mais au moins il s'agit de mesures incitatives qui contribuent à la résolution de la problématique de l'accès au logement. Est-ce que vous avez établi des estimations du besoin du ministère pour lutter efficacement contre l'habitat insalubre ? Aujourd'hui, nous estimons que la lutte contre l'habitat insalubre nécessite une enveloppe budgétaire de l'ordre de 32 milliards de DH. Notre challenge est de réussir à encourager l'accès à la propriété en offrant d'autres alternatives aux bidonvilles. A titre indicatif, dans les villes de Casablanca et de Rabat, une baraque coûte environ 150 mille DH. L'objectif, est de réussir à faire une offre compétitive pour stopper la tendance de multiplication des bidonvilles qui encerclent les grandes villes du Royaume. Je rappelle que notre politique de lutte n'est pas axée sur un produit spécifique, mais elle est basée sur la stimulation de l'offre et la demande. Et pour cause, je suis convaincu que l'Etat ne doit pas « faire » mais plutôt « faire faire ». La réussite de cette démarche est tributaire de l'engagement et l'implication non seulement de l'administration avec 44 délégations, dix organismes sous tutelles et 14 agences urbaines mais aussi du secteur privé. Mais comment comptez-vous trouver les moyens de financement de ce grand chantier ? Actuellement, la lutte contre l'habitat insalubre est financée par le Fonds de solidarité de l'habitat (FSH) qui reçoit la nouvelle taxe sur le ciment, mais son budget ne dépasse pas 400 millions de DH par an. D'autres mécanismes sont actuellement à l'étude. Les walis vont jouer un rôle capital dans cette politique d'habitat social. Quelles sont les modalités de coordination de votre département avec les autorités régionales ? Dans le cadre d'une décentralisation affirmée, nous avons accordé aux walis la tâche de prendre en charge le dossier de la lutte contre l'habitat insalubre. Un contrat-type régissant les rapports avec les walis est en cours de finalisation. Objectif : leur confier la tâche de hiérarchisation des priorités d'habitat social. Après la signature de ces contrats, le ministère n'aura plus la possibilité de décider de l'intervention de l'Etat dans telle ville au détriment d'une autre. Les collectivités locales sont censées participer parallèlement dans ce processus de décentralisation. Le projet le plus immunisé et viable présenté par le wali de chaque région bénéficiera d'une subvention étatique.