Rachida Dati, l'abrasive icône de la diversité qui avait permis à Sarkozy de devancer de quelques longueurs les ressorts de l'Obamania mondiale, est tombée en disgrâce. Voilà. Le conte de fées semble toucher à sa fin. Sans violoncelles ni tambours. Encore moins le grand feu d'artifice des happy ends. Ce qui se murmurait encore hier entre les épaisses portes capitonnées des ministères et se susurrait entre deux cliquetis de fourchettes lors des diners en ville est devenu aujourd'hui une réalité officielle. Rachida Dati, l'abrasive icône de la diversité qui avait permis à Nicolas Sarkozy de devancer de quelques longueurs les ressorts de l'Obamania mondiale, est tombée en disgrâce. Le président de la République a décidé de l'exiler à Strasbourg pour occuper un fauteuil de député européen. Le comble de la sanction pour un symbole politique qui avait incarné autant de sens. Jusqu'à la dernière minute, Rachida Dati avait refusé d'admettre cette réalité en face, formulant sans aucun doute un vœu secret de ne voir dans la marginalisation et l'éloignement des premiers cercles dont elle était victime qu'une bourrasque d'automne. C'est pour cette raison qu'avant l'officialisation de son départ prochain du ministère de la Justice, elle avait harcelé les rédactions parisiennes qui se faisaient l'écho de sa fulgurante chute de coup de téléphone démentant son départ pour Bruxelles : «Il n'en a jamais été question, avait-elle tonné dans l'oreille d'un journaliste du Figaro. J'ai encore reçu récemment l'assurance du président de la République que je continuerai en 2009 à mener mon action à la Chancellerie». Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé de rester dans le coup, de continuer à capter la lumière censée la protéger de l'ombre et de l'anonymat qui la menacent. A peine a-t-elle donné vie à la petite Zohra par césarienne, qu'elle se retrouve cinq courtes journées après à battre prestement, non sans un zeste manifeste de masochisme, le pavé de l'Elysée. Cet exploit de dévouement parfait à son travail n'eut aucune influence dans la décision de Nicolas Sarkozy de l'éjecter du casting gouvernemental. A peine a-t-elle eu le mérite d'ouvrir un houleux débat dont la fibre française a le secret sur le congé de maternité et les acquis de la femme. Le sort de Rachida Dati était donc déjà scellé. Comble de l'humiliation, elle se retrouve avec la moitié d'un lot de consolation que l'autre icône de la diversité, la secrétaire d'Etat aux Droits de l'Homme, Rama Yade avait farouchement refusé, la deuxième place sur la liste UMP pour les élections européennes du 7 juin en Ile-de-France. Fataliste, Rachida Dati accepte son sort dans une apparente soumission quitte à adopter un discours déjà entendu de la bouche de Nicolas Sarkozy. «Quand on est ministre, lance crânement Rachida Dati, on n'est pas propriétaire de son poste. On est au service de la France, on est au service des Français qui ont élu le président de la République. Donc je n'ai aucun état d'âme (…) Pour moi, cela a été un immense honneur d'avoir été ministre de la Justice et quitter le ministère de la Justice, cela fait partie du parcours politique». Il est difficile aujourd'hui de faire la part des choses dans la chute de l'icône Dati. Etait-ce sa méthode de gestion des reformes de son ministère qui a coagulé contre elle les forces hostiles du monde judicaire au point de rendre inévitable son départ ? La présidente du Syndicat de la magistrature, Emmanuelle Perreux, l'accable : «Elle s'est comportée en exécutante zélée d'une politique que nous contestons et il n'y a jamais véritablement eu de dialogue constructif». Ou paye-t-elle à retardement son ancienne amitié avec la seconde épouse de Nicolas Sarkozy , Cecilia, tombée elle-même en disgrâce médiatique après l'arrivée de la flamboyante Carla Bruni. L'alchimie entre la coquette ministre de la Justice et l'actuelle épouse du chef de l'Etat n'a jamais été au zénith. De nombreux livres sortis au moment où Carla Bruni prenait ses marques détaillaient la sourde hostilité entre les deux femmes qui inconsciemment rivalisent d'élégance, de charme et de séduction. Seule vraie consolation pour Rachida Dati, elle s'apprête à quitter le prestigieux ministère de la Justice, certes fracassée par la déception et l'amertume d'avoir été ainsi lâchée par son mentor, mais dotée d'une popularité que lui envierait le plus populaire des actuels ministres. De la manière avec laquelle Rachida Dati va gérer ce précieux héritage, dépendra l'avenir d'une étoile filante de la politique française.