Benoît Hamon, l'homme qui demande «l'honneur d'être en première ligne», a vu son discours et son analyse rendus audibles par les effets conjugués de la crise financière et économique. Quelle que soit l'identité du futur successeur de François Hollande, le congrès de Reims aura été l'occasion de consacrer une nouvelle figure de la scène socialiste. Voici Benoît Hamon, le jeune loup du PS. Belle gueule, un phrasé bien construit au débit ultrarapide, un look stylé à la manière des acteurs en vogue des séries américaines dont les Français sont devenus friands. Benoît Hamon avait déjà créé la grande surprise le 6 novembre dernier lorsqu'il avait réussi l'exploit de séduire presque 19% des militants socialistes sur un discours et un programme ouvertement inscrits à gauche. Il avait réenclenché la boîte à surprises lorsqu'il avait grillé la politesse à tout le monde en déclarant sa candidature au premier secrétariat du PS. Enjeu non résolu lors du congrès de Reims. Non sans culot et une forme de courage que possèdent instinctivement les jeunes ambitieux, Benoît Hamon avait mis ses adversaires potentiels dans l'impasse de devoir négocier avec lui pour toute synthèse indispensable à la création d'une majorité. Avant de se lancer dans cette bataille, Benoît Hamon avait livré un des diagnostics les plus sévères de la réalité du Parti socialiste qui, selon lui, «connaît une crise politique sérieuse Il mue, se transforme, hésite sur l'essentiel, le projet, son utilité, son identité et sa stratégie d'alliances». Alors que sur fond d'échec à la présidentielle, les responsables socialistes s'essayaient à la social-démocratie pour conjurer le sort, Benoît Hamon prenait le vent à contre-courant, gauchisant à volonté sa posture. Il se plaçait par ailleurs comme un des critiques les plus virulents de la gouvernance de Nicolas Sarkozy. Certains éditorialistes commençaient à le comparer à un Olivier Besancenot en cravate. Lui s'en défend vigoureusement : «qu'on ne me demande pas d'éteindre le feu Besancenot, ce qui m'intéresse, c'est d'éteindre le feu Sarkozy». A 41 ans, ce fils d'ouvriers, aux origines modestes revendiquées, est entré en politique, comme presque tous les quadras du PS, dans le sillage des manifestations étudiantes de 1986. Il avait navigué dans l'appareil socialiste et fait du grenouillage dans les cabinets ministériels, notamment celui de Martine Aubry alors ministre des Affaires sociales. Sa vraie visibilité politique, il l'acquiert lorsqu'il devient un des porte-parole du PS pour les élections législatives de 2007. Il avait alors l'occasion de déployer l'étendue de ses talents d'orateur et d'homme de conviction de gauche qui marche au sein du PS sur les traces d'homme comme Henri Emmanuelli. Benoît Hamon, l'homme qui demande aujourd'hui «l'honneur d'être en première ligne» a vu son discours et son analyse rendus audibles par les effets conjugués de la crise financière et économique. Ses saillies contre les entreprises qui, en même temps qu'elles réalisent des profits monstres, se mettent à licencier et à délocaliser, ont été entendues au-delà de ses espérances. Lors du congrès de Reims, il s'est essayé à la rhétorique dramatisante pour bien souligner l'historicité du moment : «Selon les réponses que nous formulerons, nous saurons et ils sauront, ceux qui nous regardent, ceux qui attendent encore de nous quelque chose, si nous compterons au rang des bâtisseurs et des architectes du monde nouveau ou si nous compterons au rang de ceux qui assisteront passifs au lent déclin de nos idées». De la révélation de cette bataille socialiste, il s'est transformé en homme-arbitre capable de peser sur les choix entre Ségolène Royal et Martine Aubry. Après avoir été à deux doigts de signer un accord avec Martine Aubry et lancé de grosses œillades en direction de Bertrand Delanoë auxquelles le maire de Paris n'a pas été capable de répondre, Benoît Hamon est connu pour entretenir des relations difficiles avec Ségolène Royal qui s'apprête à solliciter les suffrages des militants socialistes jeudi prochain. Prophétique, il avait lancé à la veille du congrès de Reims : «Si demain il sort de ce congrès une forme de statu quo où derrière l'illusion de nouvelles équipes, on reconduit une ligne politique qui nous a conduit à l'échec à la dernière élection présidentielle par confusion, par improvisation stratégique, je pense que se prépare le long déclin du socialisme dans ce pays».