Si le secteur de l'assurance en Tunisie recèle un potentiel de croissance important, il souffre d'un taux de pénétration faible. Sous l'effet de la privatisation de la Star, le secteur semble fin prêt à voir son taux de pénétration augmenter. À l'issue de l'opération de recapitalisation partielle de la Société tunisienne d'assurances et de réassurances (Star), qui a glissé sur le calendrier pendant près d'une année, la mutuelle d'assurances française Groupama assume, depuis la semaine dernière, le rôle de partenaire stratégique du premier assureur tunisien. Groupama a signé au mois de juillet un accord avec le ministre des Finances, Mohamed Rachid Kechiche, lui permettant d'acquérir 35% du capital de l'ex-société publique Star pour un montant de 72 millions d'euros. Son capital est détenu à raison de 59,78% par l'Etat tunisien. (...). Cette cession partielle permet à Groupama d'acquérir des parts stratégiques dans une société qui compte actuellement pour plus de 25% des primes d'assurances totales émises sur le marché tunisien. Le processus de privatisation a suscité un vif intérêt dans la région, et, notamment, les convoitises de sociétés d'assurance locales comme la Compagnie méditerranéenne d'assurances et de réassurances (COMAR) et la Compagnie d'assurance et de réassurance tuniso-européenne (CARTE), ainsi que le groupe français AXA, le marocain RMA Wataniya, le groupe koweïtien Gulf Insurance Company et le Trust International Group originaire de Chypre. Si la cession a été officiellement annoncée en août 2007, suite au lancement d'un appel d'offres par le gouvernement en vue d'augmenter le capital de la société, il aura fallu presque un an avant que Groupama ne soit officiellement déclaré vainqueur. L'intérêt manifesté par les sociétés étrangères était certainement justifié. (...). En 2007, Star figurait sur la liste des sociétés les plus performantes sur la Bourse de Tunis, enregistrant un rendement total annualisé de plus de 200% par rapport à l'année précédente. La finalisation de la transaction arrive à un moment clé pour la Tunisie, qui traverse depuis quelques semaines une période de perturbation dans le contexte de la turbulence des marchés mondiaux. Si la crise financière a un impact relativement mineur sur la Tunisie, l'un des principaux indices tunisiens, le Tunindex, a connu un net repli au cours du mois écoulé. Si les résultats à la fin septembre étaient en hausse de 29% en glissement annuel, l'index a chuté de 19% au mois d'octobre, et la plupart des compagnies cotées en Bourse, à quelques exceptions près, ont vu la valeur de leur titre baisser. Néanmoins, les analystes industriels s'accordent à dire que, malgré la dégringolade de l'indice boursier, un report du projet de cession n'avait pas lieu d'être, étant donné le faible impact de la crise mondiale des prêts immobiliers sur le secteur des assurances tunisien, ainsi que la dynamique de libéralisation, et les perspectives de croissance du marché local. La privatisation partielle souligne l'ouverture progressive du marché des assurances tunisien à la concurrence, conformément à l'objectif national de libéralisation du secteur des services qui s'inscrit dans le cadre de l'accord de libre-échange avec l'Union européenne. Contrairement à la banque, où les entreprises publiques contrôlent encore largement le marché, les assurances, en Tunisie, sont le domaine privilégié des privés, qui capitalisent 56% du chiffre d'affaires, contre 30% pour les compagnies publiques et 14% pour les mutuelles et coopératives. (...). Un certain nombre de mesures fiscales ont été adoptées dans le cadre du budget 2008 pour doper la demande de prestations de services d'assurances. Ainsi, les contrats d'assurance sont exonérés de certains impôts et l'abattement fiscal portant sur les contrats d'assurance vie a été augmenté. De plus, la refonte du système de santé publique et de l'accès universel aux soins à travers la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), conjuguée à l'augmentation du nombre d'établissements bancaires qui distribuent des produits d'assurances (bancassurance), ont permis de développer un nouvel avantage concurrentiel. (...). Si l'activité du secteur reste dominée par l'assurance automobile, qui représente plus de 40% du chiffre d'affaires du secteur, force est de constater que la branche auto accusait un déficit structurel en 2007, et que sa mauvaise image n'est pas sans conséquences sur la croissance des autres produits d'assurance. Si le secteur de l'assurance recèle un potentiel de croissance important, il souffre d'un taux de pénétration extrêmement faible. L'ensemble du chiffre d'affaires du secteur représentait moins de 2% du PIB en 2006, contre une moyenne de 8% dans le cas des économies matures. Ces résultats font même piètre figure comparés à ceux de ses pays voisins à l'instar de la Jordanie et du Maroc, où l'assurance contribue autour de 3 à 4% du PIB respectivement. De plus, le secteur tunisien est relativement fragmenté : il compte 22 compagnies pour un marché d'à peine 10 millions d'habitants, et les 10 premières se partagent 91% du marché - un signe avant-coureur d'un marché appelé à connaître une vague de consolidation à l'avenir. Ceci étant dit, le marché tunisien connaît une évolution constante ces dernières années. Sous l'effet de la privatisation de la Star, le secteur semble fin prêt à voir son taux de pénétration augmenter, à la veille de la libéralisation complète du marché et de l'ouverture à la concurrence étrangère. • Oxford Bsinesse Group 20 October 2008