Les notables recyclés côtoient l'extrême gauche repentie et sont même censés servir ses appétits personnels. Les élections partielles ont dégagé un enseignement majeur : la consolidation de la neutralité de l'administration. On avait craint le pire, surtout après le communiqué du Bureau politique de l'USFP, mais au final, le PAM n'a eu droit à aucun coup de pouce. L'autre enseignement, c'est que la faiblesse de la participation profite toujours au même genre de candidats: les notables de la ruralisation des villes. Ceux qui ont été invalidés, ont retrouvé leurs sièges aisément, malgré le tir de barrage des médias. Le PAM en particulier a axé sa campagne contre ces candidats sans pouvoir les inquiéter. Contrairement à ce que laissent penser certains commentaires, ces notables n'achètent pas les voix durant la campagne électorale. Ils peuvent même disparaître pendant celle-ci. Ils ont recours à des spécialistes que les élections au Maroc ont dégagés. Il s'agit de gens modestes qui ont une emprise réelle sur les électeurs qui se déplacent pour voter. Ils «proposent» un nombre de voix défini bureau par bureau, maison par maison. Leur force réside en un mot : la proximité. Ils ont tissé des liens avec l'administration et servent d'intermédiaires à la population, tout au long de l'année. Ils sont là en cas de coup dur ou d'un petit pépin. Ils monnayent cette proximité durant les opérations électorales. Les prendre de haut, les mépriser, ne permet pas de comprendre le phénomène, ces rabatteurs et les candidats qui passent sont les élites produites par la ruralisation des villes. Il y a un seul moyen de les battre, des candidats charismatiques, s'appuyant sur des partis forts, bien ancrés, capables de mobiliser ceux qui ne votent pas. Les partis traditionnels ont depuis longtemps opté pour des notables labellisés. Le PAM, lui, s'est essayé à ce jeu. Il a lamentablement échoué. Pourquoi ? Ce parti a une déformation génétique qu'il lui faudra traiter avant d'espérer des succès électoraux : c'est un fourre-tous sans autre signe distinctif que celui d'être le parti de Fouad Ali El Himma. Des notables de la même veine que ceux décrits plus haut y côtoient des intellectuels sans bases. Tout ce beau linge n'a aucun projet réel, mobilisateur, qui puisse attirer les récalcitrants, qui sont effectivement une clientèle potentielle pour un courant au modernisme assumé. Ce que n'est pas le PAM. Ces couches sociales ne peuvent être mobilisées par un message extrêmement brouillé, jugez-en : - Le PAM n'est ni de gauche ni de droite, mais veut concocter de l'extérieur et «Bessif» s'il vous plaît, un pôle de droite libérale. - Les notables recyclés côtoient l'extrême gauche repentie et sont même censés servir ses appétits personnels. - Le PAM veut contrer les islamistes et l'usage de l'argent en utilisant un matériel humain qui soit ne s'est jamais illustré dans ce combat (certains candidats du PAM avouent n'avoir jamais voté!), soit sont totalement incrédibles au vu de leur cursus politique. - Le PAM croit que les meetings à l'américaine se retrouvent aux urnes, Mohamed Sassi, homme politique d'une grande intégrité, a réuni 10.000 personnes dans un meeting, il n'a eu que le quart en voix. Salah El Ouadie était soutenu par plusieurs présidents de commune, ils l'ont trahi, ils n'ont pas mis leurs relais à son service, dès qu'ils se sont assurés qu'il n'était pas le candidat de l'administration. Il est d'ailleurs probable que le premier effet de la berezina du PAM sera le départ de ceux qui y sont venus par calcul, en pensant que c'est le «bon train». Il y a une contradiction que la personnalité de Fouad Ali El Himma ne pourra pas résoudre : Le «PAM» ne correspond à aucun besoin social. Le RNI reprenait les notables citadins, qui se sentaient plus proches de la monarchie et son économie de rente que des partis issus du Mouvement national, l'UC est le parti, par excellence, des élites de la ruralisation des villes. Le PAM, lui, veut être un parti de militants modernistes, peuplé des notabilités de tous genres. En se fixant un agenda accéléré, il s'est imposé le recours à des méthodes en contradiction avec son message : le débauchage tous azimuts, même chez les islamistes extra-light, le soutien d'hommes d'affaires rentiers, l'intégration de présidents de commune qui comme les autres ont confectionné leurs majorités grâce au fric. En somme, tout ce qui dégoûte 66% des Marocains et les éloigne des urnes. Changer la politique dans ces conditions n'est plus qu'un slogan creux.