Une fatwa légalisant le mariage d'une fillette de neuf ans vient d'être édictée par cheikh Mohamed Benabderrahmane Al-Maghraoui, l'un des représentants de la Salafiya wahhabia au Maroc. A ce sujet Abdelbari Zemzmi a confié à ALM son point de vue. ALM : Que pensez-vous de la fatwa qui vient d'être lancée par chaïkh Mohamed Benabderrahmane Al-Maghraoui, l'un des représentants de la Salafiya wahhabi, au Maroc et qui légalise le mariage de la fille de 9 ans ? Abdelbari Zemzmi : C'est une véritable aberration. Cette fatwa relève d'un univers complètement absurde. Marier une fillette de neuf ans, c'est plus que précoce, c'est une tragédie que toute famille refuserait de faire subir à son enfant. Cheikh Mohamed Benabderrahmane Al-Maghraoui fait malheureusement partie de ces «salafiyine motachaddidine», extrémistes qui interprètent les textes religieux de manière rigide et sèche. Le mariage d'une fillette de neuf ans ne peut exister et n'est nullement réaliste. Permettre de marier une fille de neuf printemps rendrait tout à fait normal la mariage d'une femme à 80 ans et plus. Je considère cette fatwa comme une mal interprétation du texte sacré. Mohamed Benabderrahmane Al-Maghraoui explique la légitimité de cette fatwa en faisant allusion au Prophète Mohammed ayant épousé une fille de neuf ans, Lalla Aïcha. L'époque de notre prophète est complètement différente de la nôtre. Les réalités sociales ne sont pas identiques. L'environnement de l'époque du prophète favorisait et légitimait ce genre de mariage. De nos jours un tel mariage serait une véritable injustice vis-à-vis de la fille de neuf ans. Au niveau des textes religieux, il est dit que les épouses ont des droits comme elles ont des devoirs envers leurs conjoints. Les droits sont équitables entre les hommes et les femmes. Comment voulez-vous qu'une enfant de neuf ans puisse comprendre et assimiler cette équation ? Comment peut-on exiger de cette enfant les droits qu'elle devrait avoir envers son éventuel mari, qu'elle est et serait incapable de comprendre. Une fille de neuf ans ne déchiffre pas le véritable sens du mariage. Comment l'obliger à assumer une responsabilité qui demeure inconnue pour elle ? Au lieu de lancer une fatwa qui légitime le mariage d'une fille de neuf ans, il faut penser d'abord marier toutes ces jeunes femmes qui sont aptes et prêtes à être mariées, et qui, pour la plupart dépassent les vingtaines, les trentaines voire même les quarantaines. Pensez-vous que ce genre de fatwa puisse relever d'une sorte d'incitation à la pédophilie ? La pédophilie et l'exploitation sexuelle des enfants se font dans l'ombre et en cachette en usant de tous les moyens possibles pour attirer l'enfant dans le piège (argent, sucreries…), la fatwa dont on parle évoque le mariage. Ce sont deux réalités complètement différentes. C'est un mariage qui devrait se réaliser avec le consentement des parents. Pensez-vous que cette fatwa puisse avoir une influence sur certains parents qui pourraient éventuellement admettre de marier leurs filles à l'âge de neuf ans ? C'est impossible. Aucun père et aucune mère sensés n'accepteront de marier leur fillette à un âge pareil. Aucune famille n'admettra un sort pareil pour une enfant de neuf ans qui n'a même pas encore atteint l'âge de la puberté. Notre société évolue et les esprits aussi. Cette fatwa se contredit complètement avec la moudawana qui limite l'âge du mariage à 18 ans. C'est encore une fois une fatwa absurde dont le but relève d'une pure envie et désir d'être médiatisé. Logiquement le rôle du «mufti» dans une société est d'aider les individus à résoudre leurs problèmes quotidiens et non pas leur compliquer l'existence plus qu'elle ne l'est.