En plus d'être assurée de rester dans les annales, l'affaire de la Marocaine Bouchra Ahrram renseigne sur l'implacable machine à créer des clandestins. L'affaire a dû être traitée en haut lieu, soupesée avec minutie et vendue avec dextérité. Le ministre chargé de l'Immigration et de l'Identité nationale, Brice Hortefeux, a donné ses instruction pour qu'une Marocaine de trente cinq ans , atteinte d'un cancer soit sauvée in extremis de l'expulsion vers le Maroc et régularisée pour pouvoir rester en France. L'argumentaire de ce geste inhabituel a largement été exposé à la presse par le directeur du cabinet du ministre Thierry Coudert : «Le ministre a estimé qu'il s'agissait d'une application du droit un peu stricte, qui ne tenait pas compte des facteurs humains, auquel il tient tout particulièrement ». En plus d'être assurée de rester dans les annales, l'affaire de la Marocaine Bouchra Ahrram renseigne sur l'implacable machine à créer des clandestins. Le Collectif étrangers- Français en Yvelines ( CEFY) s'est chargé de narrer son histoire pour mieux défendre son cas. Bouchra Ahrram était arrivée en France en janvier 2002 où elle vit avec ses deux parents, deux frères et une sœur tous nés en France. Elle avait obtenu une carte de séjour pour soins pour traiter un cancer de la thyroïde. Cette carte n'avait pas été renouvelée en 2007, le médecin inspecteur ayant estimé que sa maladie pouvait être soignée au Maroc. Le reste de l'histoire relève de l'engrenage administratif : «Vendredi dernier, elle est allée à la préfecture de Versailles pour relancer son dossier lorsqu'elle s'est fait arrêter par la police et conduire au CRA (Centre de rétention administrative) de Plaisir». Un porte-parole de la préfecture justifie cette arrestation : «Quand elle est venue à la préfecture vendredi, elle était hors délai et a donc été emmenée au CRA pour être reconduite à la frontière». Bouchra Ahrram avait refusé de monter dans l'avion qui devait la ramener au Maroc. Résultat sans appel : placement immédiat en détention à l'aéroport de Roissy. Jusqu'à ce que les instructions du ministre Brice Hortefeux tombent, autorisant Bouchra Ahrram à continuer à résider et à se soigner en France. Même si elle met en scène les multiples souffrances liées aux rouages labyrinthiques de la clandestinité, cette affaire tombe à pic pour un ministre qui commence à personnifier, aux yeux de l'opposition, ce qu'il y a de hideux dans la démarche et le traitement de Nicolas Sarkozy des questions de l'immigration. Régulièrement, la satire politique décrit Brice Hortefeux comme un mélange de nazillon sadique et d'esclavagiste passionné dont la seule obsession est de livrer un combat sans merci aux clandestins. Ce qui avait créé cette impression, c'est la décision de Nicolas Sarkozy d'imposer à son ministre de l'Immigration un chiffre annuel d'expulsés à atteindre de 25000 clandestins par an sous peine d'être taxé d'inefficace. Cette politique a émaillé l'actualité de nombreux drames d'immigrés clandestins préférant se défenestrer plutôt que de tomber entre les mains de la police. Le dernier en date est ce jeune d'origine malienne, Baba Traoré, âgé de 29 ans, qui fuyant un contrôle de police, s'était jeté dans la Marne Joinville le Pont. Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement avait tenté de trouver une justification à ce drame en déclarant que «Nous sommes dans un Etat de droit, quand on est un citoyen en règle, on se conforme aux contrôles de police». Cela avait suffi pour exciter la colère des animateurs du CRAN (Conseil représentatif des associations noires) qui comptent organiser le 10 mai prochain une grande marche. Les organisateurs annoncent déjà qu'ils feront de la fin de ces contrôles et du décès de Baba Traoré un des axes de cette marche qui doit aussi marquer le 160ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage. Pour l'oppositions socialiste, les faux-pas de Nicolas Sarkozy et de Brice Hortefeux sont du pain béni. Le Parti socialiste constate que : «Depuis que le gouvernement a décidé de pratiquer une absurde politique du chiffre, les drames humains frappant les sans-papiers se multiplient (…) Le gouvernement doit s'expliquer sur ces graves incidents et tout mettre en œuvre pour éviter que d'autres drames ne se produisent».