Un avion en provenance de Londres s'est posé à Roissy pour prendre trois Afghans, donnant le feu vert à une série de vols de reconduites forcées entre Paris et Kaboul. Jusqu'à la dernière minute, sans doute pour ne pas permettre à ses détracteurs de se mobiliser et d'empêcher physiquement le décollage des avions, Eric Besson, ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, avait continué à nier l'information selon laquelle la France se joint à la Grande-Bretagne pour organiser des vols groupés vers Kaboul, une dénomination soft et politiquement correcte pour designer les charters remplis de clandestins en direction de l'Afghanistan. Jusqu'à ce que dans la soirée de mardi à mercredi, un avion en provenance de Londres s'est posé à l'aéroport de Roissy pour prendre trois Afghans, donnant le feu vert à une série de vols réguliers de reconduites forcées à la frontière, tous les mardis soir entre Paris et Kaboul. Et au lendemain de sa dénégation tacticienne, Eric Besson s'est précipité sur les micros pour justifier une telle politique dénoncée par la gauche, les associations des droits de l'Homme et même… une partie de la droite. Et le message fort que le ministre de l'Immigration de Nicolas Sarkozy tente de faire passer est qu'à travers de telles actions, il s'agit d'envoyer un signal fort aux filières de l'immigration clandestine : «La France est aujourd'hui la cible des passeurs (...) On ne va pas stopper l'immigration clandestine, on va envoyer un signal. On s'en prend à la logique d'un trafic qui est odieux». Mieux qui quiconque, Eric Besson sait que de telles actions sont insuffisantes pour assécher le marché de l'immigration clandestine. Et il en offre l'explication économiquement chiffrée qui anime les filières de passeurs: «Tant que ces derniers peuvent dire aux candidats au passage en Angleterre : «Tu paies 12.000 à 15.000 euros pour aller d'Afghanistan à Calais, puis 500 à 1.000 euros à chaque tentative de passage vers le Royaume-Uni», nous n'avons aucune chance de tarir le flux». Dans cette affaire, le gouvernement de Nicolas Sarkozy doit répondre à de nombreuses interrogations et expliquer certaines incohérences. Face à la réaction de certaines associations des droits de l'Homme qui poussent l'indignation jusqu'à se demander si un gouvernement français était capable d'organiser un charter d'immigrés clandestins en pleine guerre civile algérienne ou rwandaise, il doit apporter l'explication qui justifie le renvoi d'Afghans dans un pays en guerre. D'autant que les forces françaises sont engagées sur le terrain auprès des forces de l'Otan dans une sanglante opération de stabilisation. Et c'est encore l'opposition socialiste par la voix de Martine Aubry qui a tenté de porté l'estocade qui fait mal : «Il faut dire l'incohérence absolue d'un pays comme la France qui fait la guerre aux talibans et qui renvoie dans les mains des talibans ceux qui ont quitté leur pays parce qu'ils étaient justement les victimes de ceux-ci. C'est inacceptable». Nicolas Sarkozy et son ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale demeurent sourds à de telle argumentation. Même quand les journalistes interrogent Eric Besson sur le devenir de ces immigrés clandestins renvoyés de force dans la gueule du loup, il trouve la réponse qui surprend et qui choque : «Ils iront dans un hôtel payé par la France, et ils vont avoir un accompagnement individualisé et de l'argent pour se réinstaller dans leur pays d'origine». Il faut dire que sur le plan de l'agenda politique français, le démantèlement de la « Jungle », un camp sauvage pour tous les candidats à l'immigration clandestine vers la Grande-Bretagne orchestré devant les médias par Eric Besson et l'affaire des charters vers Kaboul pilotés par le ministre de l'Immigration et de l'Identité nationale, ne sont pas étrangers au contexte électoral que vit le pays à la veille d'un scrutin régional d'une grande signification politique. Le temps semble être venu pour Nicolas Sarkozy d'appuyer sur deux boutons sensibles aptes à le reconnecter avec l'opinion : le premier est celui de la sécurité dont il a confié la charge au ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux et le second est celui de la lutte contre l'immigration clandestine dont il a confié la gestion spectaculaire à Eric Besson.