L'Egypte et la Libye sont à couteaux tirés depuis vendredi, Le Caire et Tripoli s'accusant mutuellement d'avoir pris des mesures de restriction à la libre circulation de leurs ressortissants réciproques. Les motifs de cette crise semblent, toutefois, étrangers à cette histoire de visas. Simple malentendu ou alors le début d'une crise qui ne veut pas dire son nom ? Depuis vendredi, une mini-crise couve entre Le Caire et Tripoli, chacun des deux pays accusant l'autre de prendre des mesures visant la restriction de la libre-circulation de leurs ressortissants réciproques. La presse cairote a publié des informations selon lesquelles des rencontres auraient eu lieu entre responsables libyens et israéliens en vue de l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, à la suite de la décision libyenne sur les ADM. Mais il semblerait que les raisons de cette bisbille soient tout autres. Pour l'agence officielle libyenne Jana, cette confusion «renforce la conviction des Libyens qu'il faut couper tout lien avec le marécage arabe». Le colonel Mouammar Kadhafi a menacé à plusieurs reprises de retirer son pays de la Ligue arabe, qui siège en Egypte. Sur le terrain, le trafic s'est considérablement réduit à la frontière égypto-libyenne ces derniers jours à la suite d'informations indiquant que Tripoli a imposé des restrictions à l'entrée des ressortissants égyptiens sur son territoire. «Al-Ahram» écrivait dimanche que «le poste-frontière de Salloum (sur la côte méditerranéenne) est quasi déserté. Le mouvement de circulation de voitures a baissé de 2.000 à 80 véhicules par jour». Selon la même source, les autorités libyennes appliquent de nouvelles règles concernant l'entrée des Egyptiens en Libye : ces derniers doivent être dotés d'un «contrat de travail et de la somme de 350 dollars ou son équivalent en dinars libyens ou en livres égyptiennes» pour être autorisés à entrer. Selon la presse cairote et la police des frontières, la Libye aurait refoulé des ressortissants égyptiens, après avoir décidé vendredi de leur imposer des visas d'entrée sur son territoire. Réponse du berger à la bergère : l'Egypte aurait, selon «Al-Ahram», répondu samedi par la réciprocité en imposant le visa aux ressortissants libyens. Mais une certaine confusion demeurait, car les responsables des deux pays ont démenti ces informations, alors que les voyageurs ont continué à affluer normalement des deux côtés de la frontière. Pour ajouter à la confusion, Safouat Al-Chérif, le ministre égyptien de l'Information, a indiqué que les frontières n'étaient pas fermées. Même son de cloche du côté de Tripoli, où Hassouna al-Chaouch, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a qualifié ces informations de "mensonges sans fondement" et ajouté que la Libye n'avait pas été informée officiellement par les Egyptiens des mesures de réciprocité. Pour corser le tout, Mahmoud Moubarak, l'adjoint au ministre égyptien des Affaires étrangères, a déclaré que son pays continuait à se renseigner sur «ce qui se passe réellement à la frontière égypto-libyenne». La police des frontières égyptienne avait indiqué que 300 Egyptiens avaient été refoulés vendredi et 400 autres samedi au poste-frontière terrestre de Salloum. Environ 25 poids lourds chargés de marchandises étaient bloqués à la frontière, selon ces sources. Les Egyptiens franchissaient jusqu'à vendredi la frontière, munis de leurs papiers d'identité. Selon le quotidien égyptien «Al-Akhbar», les autorités égyptiennes ont refusé l'entrée en Egypte "à plus de 1.000" ressortissants libyens à la frontière terrestre. Elles ont imposé, à partir de samedi, aux Libyens arrivant à l'aéroport du Caire d'être munis de visas délivrés par une ambassade égyptienne à l'étranger, a-t-on indiqué de source aéroportuaire. Le quotidien gouvernemental «Al-Ahram» a souligné que le Caire avait appliqué la réciprocité, habituelle dans ce cas, en exigeant des Libyens qu'ils obtiennent des visas de l'ambassade d'Egypte à Tripoli. La décision de Tripoli a pris par surprise un grand nombre d'Egyptiens installés en Libye, qui étaient allés passer les fêtes de fin d'année dans leur pays et qui ont été refoulés à la frontière, rapporte la presse gouvernementale égyptienne. Or, selon des sources diplomatiques, l'origine de cette confusion serait politique, Tripoli étant «irrité par la campagne menée par la presse égyptienne contre lui à la suite de sa décision de renoncer à ses programmes d'ADM». Des sources aéroportuaires égyptiennes ont indiqué que 173 ressortissants libyens sont entrés samedi en Egypte en obtenant directement, comme d'habitude, leur visa à l'aéroport. En Libye, des sources officielles ont indiqué que 460 Egyptiens étaient entrés samedi sur le territoire sans visa. D'autre part, le quotidien économique «Al-Alam al-Youm» indique que la Commission du travail à l'Assemblée nationale égyptienne tiendra une réunion extraordinaire dans la journée pour auditionner le ministre de la Main-d'oeuvre, Ahmed Al-Amaoui, sur les mesures qu'il compte prendre en faveur des ouvriers égyptiens en Libye s'ils sont refoulés. Selon le journal, entre 1,5 et 2 millions d'Egyptiens travaillent actuellement en Libye.