Pour Carla Bruni Sarkozy, Londres est le second grand théâtre d'apparition internationale aux côtés de son époux après l'Afrique du Sud qui faisait office de répétition. Il y a une caricature parue dans le Journal «Le Monde» daté du 26 mars qui résume avec pertinence le contexte dans lequel Nicolas Sarkozy effectue sa première grande visite d'Etat en Grande-Bretagne. Elle montre la Reine d'Angleterre et le président de la république, debout, devant une forêt de micros et de caméras derrière lesquels il était aisé de deviner des journalistes piaffant d'impatience. La reine s'adresse à Nicolas Sarkozy en ces termes : «si vous ne faites pas une gaffe, ils vont être déçus». C'est dire à quel point la tension est portée à son comble de voir comment Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni, le couple présidentiel, pourtant habitué aux fastes de la république, vont pouvoir se mouvoir dans un protocole royal aussi contraignant que glissant. Londres est pour Carla Bruni le second grand théâtre d'apparition internationale aux côtés de son époux après l'Afrique du Sud qui faisait office de répétition. Beaucoup a été écrit sur les robes Dior que la première Dame de France compte porter lors de ce déplacement qu'elle avait déjà eu l'occasion de qualifier de «grisant», tout a été dit sur l'indispensable révérence que Carla Bruni devra impérativement déployer devant la Reine, en signe de respect et d'allégeance. Mais ses garanties sont loin d'effacer les craintes des Britanniques de voir cette visite détourner de son véritable objectif politique qui est, selon Paris et Londres, l'envie réciproque de sceller «une nouvelle fraternité pour le XXIe siècle». La presse britannique s'est depuis quelques jours faite l'écho des ses craintes comme le montre un article paru dans «The Observer» : «Il faudra à Sa Gracieuse Majesté tous ses talents de diplomate pour les accueillir avec le sourire». «The Observer» cite un proche de la cour : «Sa Majesté jouera à la perfection son rôle d'hôtesse, comme toujours, mais il est indubitable que certains craignent que nous ne soyons utilisés comme décor d'exception pour le prochain épisode du soap opéra du président français». Il faut dire que le président français effectue cette visite à Londres précédé de deux a priori contradictoires. Le premier, positif, celui d'un réformateur «pro-anglo-saxon» avec une farouche volonté de renforcer le rôle de la France au sein de l'Otan, qui tranche sèchement avec la posture d'un François Mitterrand ou d'un Jacques Chirac. Ces deux présidents ont toujours jeté un regard de défi sur la Grande-Bretagne à cause notamment de son intimité excessive avec les Etats-Unies au détriment de son alliance naturelle avec l'ensemble européen. Le second, négatif, est le fruit de l'exhibition exagérée de la vie privée dans la sphère politique. L'excès auquel s'est livré Nicolas Sarkozy, depuis l'épisode Cécilia et ses allers-retours orchestré jusqu'à la saison glamour de Carla, a réussi à provoquer des réserves et des interrogations dans un pays que les mésaventures de Lady Di avaient pourtant transformé en antre mondiale du «People» difficile à surprendre ou à éblouir. Si Carla Bruni passera sous l'examinateur des caméras, cette visite sera un examen aussi pour Nicolas Sarkozy qui cherche à «re-présidentialiser» son image. Au point où certains ont eu ce commentaire extasié : c'est la monarchie au secours de la république. Finis donc les SMS envoyés de manière ostentatoire en présence du Pape Benoit VXI ou les familiarités souvent artificielles avec la chancelière Angela Merkel. Mais le grand message politique que Nicolas Sarkozy tentera de dérouler dans entretiens politiques sera d'essence européenne. La champion du traité simplifié, ami personnel et admirateur de Tony Blair voudrait vendre plus d'Europe aux Anglais historiquement réticents aux «monstruosités» bureaucrates de Bruxelles. Il l'a dit à la BBC : «Je n'ai pas à m'immiscer dans la politique intérieure britannique, mais je dis à tous les hommes politiques britanniques: vous aimez votre île, tant mieux, je comprends. Mais travaillez avec nous parce que nous avons besoin de vous et peut-être que vous, un jour, vous aurez également besoin de nous». Et à tous ceux qui lui reprochent de vouloir chercher à Londres une issue pour sortir du tête-à-tête de plus en plus étouffant avec l'Allemagne d'Angela Merkel, Nicolas Sarkozy a la réponse et l'explication : «Oui, j'ai l'ambition de travailler avec les Anglais, main dans la main, contre personne. Cela ne remet pas en cause la nécessité d'un axe Paris-Berlin. Cela la complète, voilà la vérité des choses (...) L'axe Paris-Berlin, c'est fondamental mais ce n'est pas suffisant (...) Angela Merkel ne peut pas réussir toute seule».