Nicolas Sarkozy a toujours tenu à faire savoir que l'amitié qu'il éprouve pour Israël ne l'empêche pas de lui dire des vérités. C'était son credo pour justifier le grand tournant qu'il comptait donner à l'ère chiraquiènne en la matière. Nicolas Sarkozy doit une fière chandelle à son agenda diplomatique prévu de longue date. En recevant le président israélien Shimon Peres, il peut se livrer à une visible activité présidentielle sans être obligé de livrer le moindre commentaire sur le résultat fort peu qui amène pour sa gouvernance du premier tour des élections municipales. Shimon Peres dispose d'un privilège assez rare pour être souligné. Il effectue à Paris la première visite d'Etat d'un président étranger depuis l'accession de Nicolas Sarkozy à l'Elysée. Ce geste se voulait un indicateur supplémentaire pour bien marquer le retour d'affection dans les relations entre Paris et Tel-Aviv. A la veille de cette visite, les deux chefs d'Etat s'étaient livrés à des déclarations lyriques et enflammées. Tandis que Nicolas Sarkozy, mettant toutes les chancelleries dans une hystérie interrogative, déclamait devant le dîner annuel du CRIF : «Je m'engage à ne jamais serrer la main de quiconque ne reconnaîtrait pas Israël», le président Shimon Peres lui répondait en écho dans une interview au «Figaro» avec des formules choc: «Je ne connais aucun autre pays qui ait autant aidé Israël que la France (…) Cette visite résume 60 années de l'histoire d'Israël, durant lesquelles la France a joué un rôle extrêmement important. Je suis venu lui dire merci (...) Pendant l'Occupation, la France a sauvé beaucoup de juifs. Et ensuite, lors de la naissance d'Israël, la France a joué un rôle majeur. Grâce à elle, nous avons pu acquérir des armes pour défendre nos vies». Même si Shimon Peres occupe aujourd'hui une fonction symbolique dans la hiérarchie du pouvoir israélien, il est une des personnalités israéliennes les plus familières et les plus appréciées par la scène politique française. Outre qu'à chaque fois que l'occasion lui est donnée, il fait l'effort de parler en français, Shimon Peres sait comment charmer une opinion française qu'il sent comme extrêmement rétive et méfiante à l'égard de profils aussi rustres dans leurs manières et aussi brusques dans leur politique que pourraient l'être Benjamin Netanyahou, Ariel Sharon ou Ehoud Olmert. Nicolas Sarkozy a toujours tenu à faire savoir que l'amitié qu'il éprouve pour Israël ne l'empêche pas de lui dire des vérités. C'était son credo pour justifier le grand tournant qu'il comptait donner à l'ère chiraquienne en la matière. L'occasion lui a été donnée par l'annonce du gouvernement d'Ehoud Olmert de reprendre la construction des colonies en Cisjordanie. «En tant qu'ami, je vous dis que la sécurité d'Israël passe par l'arrêt de la colonisation» aurait dit le président français à son hôte israélien» avant de décrire l'intérêt pour les israéliens à aider à la création d'un Etat palestinien : «Ma conviction est claire, la meilleure garantie de sécurité pour Israël c'est la création d'un Etat palestinien moderne, démocratique et viable avant la fin 2008. Les paramètres d'un règlement final sont connus, tout est désormais affaire de volonté». Shimon Peres arrive à Paris en pleine polémique sur le boycott du salon du livre, dont Israël est l'invité d'honneur cette année, lancé par de nombreux pays arabes et musulmans pour protester contre la politique israélienne à Gaza. Le président israélien écarte ces appels au boycott d'un revers de la main: «Je suis contre les autodafés, je suis contre le boycott des livres. Tous ceux qui prétendent lire des livres, s'ils ne lisent que les livres qui leur plaisent c'est une pure perte de temps». Nicolas Sarkozy, qui doit visiter le salon en compagnie de Shimon Peres avait déjà eu l'occasion de dire à quel point «la France souhaite de toutes ses forces l'entrée d'Israël dans la francophonie». Mais de l'aveu de nombreux observateurs c'est la crise du nucléaire iranien qui doit monopoliser les entretiens politiques des deux hommes. Sur le fait que l'Iran puisse détenir l'arme atomique Shimon Peres affirme qu'il y a une vraie convergence avec le diagnostic de Nicolas Sarkozy : Il s'agit du «plus grand danger qui menace aujourd'hui» la sécurité du monde. Israël compte profiter de la présidence française de l'Union européenne pour sensibiliser le reste de l'Europe, qui a tendance à minimiser le danger iranien, à adopter une attitude plus intransigeante.