Le président de «l'Association des portés disparus au Polisario», Dahi Aguay, a déposé vendredi dernier une plainte contre des responsables du Polisario et de l'Algérie auprès de la justice espagnole. Tour d'horizon avec cet ancien détenu de Tindouf. ALM : Que pensez-vous du 12ème congrès du Polisario et de la reconduction de Mohamed Abdelaziz à la tête de cette entité ? Dahi Aguay : La plus grande supercherie que l'on puisse retenir de ce soi-disant congrès est qu'il ait été baptisé du nom d'un Sahraoui victime du Polisario lui-même, en l'occurrence «Messaoud Mbarak Ahmed Lahcen». C'est la pire offense que le Polisario puisse faire à la mémoire de ce martyr, ce qui veut dire que le Polisario peut se permettre de tuer des fils du Sahara dans ses propres prisons et donner leurs noms à de pseudo manifestations. Le martyr « Messaoud » se serait sans doute élevé contre cette imposture s'il était encore vivant, parce que la direction du Polisario exploite le capital sympathie dont le martyr jouit auprès des tribus «Tekna Yagout» pour conjurer leur protestation grandissante du fait qu'elles soient marginalisées au profit des Rguibat, dont Mohamed Abdelaziz et ses affidés sont originaires. Il faut également souligner que 97% des Sahraouis qui croupissent dans les bagnes du Polisario sont issus des tribus Tekna. Au-delà de cette imposture, qui fait injure aux sentiments et à l'intelligence des Sahraouis, il faut noter que le prétendu congrès a reconduit les mêmes geôliers qui ont encore du sang sur les mains, dont Mohamed Abdelaziz que ni l'origine ni le statut intellectuel, et moins encore son passé sanguinaire n'autorisent à représenter les Sahraouis. Ce criminel de guerre a été imposé encore une fois par l'Algérie, autant que la majorité des 2000 congressistes que personne n'ignore qu'ils sont des Sahraouis d'origine algérienne et mauritanienne. Quelles conséquences peuvent avoir ce genre de provocations sur la suite du processus de négociations, prévues les 7, 8 et 9 janvier prochain à Manhasset ? Le Polisario essayera encore une fois de faire fi de la volonté de la communauté internationale acquise à l'offre marocaine d'autonomie. Le Polisario veut mettre ainsi en question la crédibilité non seulement des efforts du Royaume pour régler définitivement le conflit factice, mais aussi celle des Nations unies, et plus précisément le Conseil de sécurité qui a appelé à ces négociations. Vous venez de rentrer de Madrid où vous avez déposé plainte pour disparitions forcées de 72 Sahraouis victimes du Polisario. Comment imaginez-vous l'issue de cette initiative ? Cette initiative n'est que le couronnement d'un processus juridique long et patient engagé en 1978. Cette année, nous avions saisi Amnesty International au sujet des personnes portées disparues dans les prisons secrètes du Polisario. Nous avions présenté à Amnesty une liste contenant les noms de ces disparus. La direction du Polisario sera saisie immédiatement par Amnesty sur le cas des disparus sahraouis, mais le régime séparatiste a fait vite de démentir. En même temps, ce régime avait ouvert des négociations avec les personnes détenues dans ses prisons secrètes qui ont abouti à l'élargissement de certains d'entre eux. Je fis moi-même partie des Sahraouis libérés du bagne de sinistre mémoire «Errachid», en 1980. Ils m'avaient alors conduit dans l'école « 12 octobre » située dans les environs du camp «Rabouni», où je fus assigné à résidence, à la grande défaveur de mes proches dans les provinces sahariennes marocaines qui ne savaient pas si nous étions vivants ou morts. Or voilà, la direction du Polisario finira par mettre fin à cette situation. Je fus autorisé à faire un déplacement en Espagne, où je pris contact avec les responsables de plusieurs mairies, dont notamment Erminio Trigo, maire de la ville de Cordoue. Ce fut le départ d'une grande bataille sur le dossier des Sahraouis disparus. Je pris contact avec Amnesty, pour attirer son attention sur les autres Sahraouis détenus toujours dans les prisons secrètes du Polisario. C'est alors que cette organisation saisit l'Algérie pour lui demander de présenter à la justice les dirigeants du Polisario impliqués dans les disparitions forcées et les tortures, en lui rappelant qu'Alger était signataire de la Convention de Genève sur les droits de l'Homme. Parallèlement, j'entrepris en tant que président de l'Association des portés disparus sahraouis plusieurs démarches auprès des responsables espagnols, dont l'actuel chef de la diplomatie espagnole Miguel Angel Moratinos, le tout couronné par le recours à la justice pour réclamer le jugement des responsables du Polisario et de l'Algérie qui ne peuvent plus circuler librement en Europe. La plainte, déposée vendredi dernier à Madrid auprès de l'Audience nationale par des Sahraouis marocains nés sous l'occupation espagnole, est donc le résultat d'un long processus de militantisme. C'est le «meilleur» cadeau que l'on puisse offrir à la direction du Polisario, à l'occasion de son pseudo congrès, de la Fête du Sacrifice et du Nouvel An.