Les réactions, parfois violentes, s'appuyent sur cet instinct, mais sont souvent imprégnées du milieu ambiant et de la pratique politique des deux dernières décennies. La débâcle de la gauche au scrutin du 7 septembre n'était pas simplement électorale. Elle a pu constater que son discours était inaudible parce que trop neutre, que ses organisations étaient laminées, vidées de l'intérieur, que ses leaders étaient impopulaires, (ils ont presque tous été battus) et enfin que le processus qu'elle avait initié au milieu des années 90 avait des effets pervers. Pour paraphraser Jean Cau « elle a le café triste et le whisky peu disert », le moral est à zéro. Il est donc normal que l'instinct de survie fonctionne. Les réactions, parfois violentes, s'appuyent sur cet instinct, mais sont souvent imprégnées du milieu ambiant et de la pratique politique des deux dernières décennies. En fait, l'attaque est dirigée vers les états-majors, souvent elle est personnalisée, sans recul analytique. La débâcle serait la conséquence d'erreurs, parfois quantifiées comme dans la sortie de Brahim Rachidi, de directions appâtées par l'apparence du pouvoir. Le débat, nécessaire, vital, se transforme en une bagarre d'apparatchiks où les opposants sont portés par le désarroi des militants. C'est logique, mais ce n'est pas sain du tout. C'est logique, parce que le fameux consensus, l'étape historique, n'a jamais été théorisé. Depuis 20 ans, la gauche marocaine fait de la politique, sans théorie, sans utiliser ses outils d'analyse habituels et surtout en mettant toutes ses références au placard. La gauche non-gouvernementale elle-même, s'arc-boute autour de positions politiques et d'une posture critique de l'USFP, sans pour autant s'intéresser aux mutations sociales et aux évolutions des rapports de force. La preuve en est que ses mots d'ordre n'ont pas varié d'un iota et que même ceux qui ont enfin choisi de participer, l'ont fait avec un discours abstentionniste. Les débats actuels, épars, partant dans tous les sens, sont logiques, parce que les cadres des partis de gauche n'ont plus l'habitude, de positions appuyées sur des analyses, mais juste de postures d'apparatchiks à l'horizon bouché. Ce débat n'est pas sain, parce qu'il n'aboutira à rien de fondamental, même si certaines carrières sont arrivées au terminus, de toute évidence. Il est surtout malsain, parce que la gauche raterait une opportunité historique d'une introspection pouvant aboutir à la création de ce grand parti de gauche populaire, moderne, démocratique dont rêvent des milliers de militants. La gauche, en fait, doit avoir le courage de réfléchir sur son identité. Qu'est-ce que la gauche au Maroc d'aujourd'hui ? Question qui la renverra nécessairement à son positionnement sociétal. Il est faux de croire que les patrons marocains réagissent à l'inverse des autres et qu'ils sont devenus de gauche. C'est la gauche qui leur sert la soupe en guise de réalisme. Il est faux de traiter de ringard le conservatisme syndical, parce que c'est la nature des syndicats. Il est aberrant de défendre « la tradition » « l'identité du peuple » en pensant faire barrage aux intégristes quand on leur construit une autoroute. Ce débat sur l'identité n'a de sens que s'il est lié à la question : où va le Maroc. L'aplanissement des différends avec la monarchie ne signifie pas l'abandon des revendications d'équilibre des pouvoirs. Surtout l'acceptation de l'intrusion dans la vie partisane est intolérable. Enfin, maintenant que la gauche n'est plus qu'une force d'appoint dans une alliance conservatrice, n'est-il pas temps de revenir à la normale en rompant avec une stratégie d'alliance hérétique ?. Ce n'est qu'en fin de processus que cette question doit être posée, parce qu'elle n'est pas centrale ce n'est pas le retour à l'opposition qui ramènera la gauche à ses valeurs, mais l'inverse est presqu'inéluctable. Ce débat-là mérite des assises de la gauche, ouvertes aux individus et permettant au débat d'idées d'avancer. Que le numéro 5 remplace le n°1 n'est pas un gage de changement de cap, ni de confection d'un projet.