La manifestation anticolonialiste hebdomadaire du village de Bilin, non loin de Ramallah, a commencé à porter ses fruits : la Haute Cour de justice israélienne déclare le tracé du mur illégal et ordonne son déplacement. C'est une première victoire pour les villageois. Chaque semaine, depuis deux ans et demi, de nombreux israéliens anticolonialistes et quelques internationaux se mêlent à la foule palestinienne du village de Bilin, au nord de Ramallah, pour protester contre la confiscation de 50% des terres cultivables des villageois au profit du mur de séparation. Cette lutte, souvent qualifiée d'inutile, a finalement porté ses fruits : le mois dernier, la Haute Cour de justice israélienne a déclaré le tracé du mur illégal et demande son déplacement. C'est une victoire unique dans les territoires palestiniens. «L'armée israélienne en définissant le tracé du mur, a pris en compte la sécurité de territoires où il n'y a pas encore de constructions coloniales», explique Michaël Sfard, avocat des villageois. «La Haute Cour a déclaré ceci illégale et demande que ne soient pris en compte que les habitations existantes, empêchant ainsi la multiplication des colonies», précise-t-il. «Nous sommes ravis, c'est un cadeau pour nos enfants», déclare A'id Abu Rahman, propriétaire des terres sur lesquelles se déroule la manifestation hebdomadaire. Lors de la construction de la barrière, il a perdu 50% de son terrain. «En 2004, lorsque les Israéliens nous ont pris nos terres, c'est mon père qui a décidé de porter plainte avec d'autres villageois. Il s'est rendu à toutes les audiences en Israël. Mais cette décision n'était pas une surprise pour nous, on les y a forcé et nous continuerons jusqu'à ce que nos terres nous soient entièrement restituées», conclut-il fièrement. Cependant, les habitants de Bilin ne récupèreront que 1 000 dunams sur les 2 000 confisqués. A l'origine, le village était propriétaire de 4 000 dunams. Cependant pas de fausse joie : la barrière de séparation n'a pas encore été déplacée et chaque vendredi, le petit groupe de manifestants continue de se heurter aux soldats israéliens. «Il faut s'opposer à ce mur de séparation car il est utilisé par Israël pour prendre la terre des Palestiniens», déclare Kim, un Israélien de 27 ans, membre des anarchistes contre le mur. Le jeune homme est un habitué de Bili'in. Il vient chaque semaine essuyé les tirs de l'armée. «Nous ne savons jamais ce que nous pouvons attendre des soldats et la situation n'est pas meilleure depuis la décision de la Haute Cour: les soldats vont jusqu'à faire des incursions dans le village pour arrêter les gens», témoigne le jeune israélien. «Avant, j'étais commandant dans l'armée et souvent, je tombe sur des soldats qui étaient sous mes ordres. J'essaye de parler avec eux, mais c'est difficile de discuter avec ceux qui nous tirent dessus», se désole-t-il. «Nous n'avons rien contre les soldats en tant qu'hommes, mais contre ce qu'ils représentent. Nous ne les attaquons jamais par la violence, contrairement à eux, et nous attendons qu'ils déplacent le mur», s'exclame-t-il. L'exécution du jugement de la Haute Cour israélienne ne sera pas une mince affaire. «Ils ont été surpris par cette décision et ils vont tout faire pour retarder sa mise en place», s'inquiète Mohamad Al Khatib, responsable du comité des villageois de Bilin. «De plus, cette décision est à double tranchant, car la Haute Cour empêche la construction de nouvelles colonies mais sous entends la légalité de celles qui existent déjà», déclare-t-il. La manifestation hebdomadaire a rendu ce jugement possible en maintenant la pression et en faisant du cas de Bilin un symbole qui redonne espoir aux autres propriétaires palestiniens de récupérer leurs terres spoliées par la construction du mur. Cependant, rien n'est en vue de changer concernant les terres palestiniennes sur lesquelles demeurent dès lors des habitations coloniales israéliennes.