Le journaliste étranger ne se comporte pas différemment d'un touriste lambda. Ils ont comme dénominateur commun la quête du dépaysement. L'un cherchera fantasia, danse du ventre et tutti quanti. Les chemins de l'altérité sont décidément complexes. Vous mettez un journaliste dans l'une des banlieues miséreuses de France, il vous fera du Zola teinté de mauvaise conscience et de sermons à l'abbé Pierre avant de vous parler d'excision et de polygamie, ces empêcheuses de s'intégrer en rond. Vous mettez le même journaliste dans un autre pays, le Maroc par exemple, et vous le découvrez débordé par son ethnocentrisme, son regard biaisé qui louche sur les pathologies, son appétit d'exotisme et surtout sa morgue franchouillarde. Le journaliste étranger ne se comporte pas différemment d'un touriste lambda. Ils ont comme dénominateur commun la quête du dépaysement. L'un cherchera fantasia, danse du ventre et tutti quanti. L'autre explorera ce qu'il considère comme le triangle des Bermudes de l'identité marocaine formé par le pjdiste, le kamikaze et Nadia Yacine. L'obsession islamiste, voilà le fil rouge de l'émission de France 2 «Maroc, le voile ou le bikini.» Le titre donne d'ailleurs le ton. Le bikini est exhibé comme un attribut de la modernité assimilée à la débauche par opposition au voile stigmate de tradition ou d'archaïsme et symbole de pudibonderie. Cette juxtaposition, hormis sa dimension racoleuse, se veut pertinente. En réalité, elle est le produit d'une paresse qui est le propre du prêt à penser. En posant une fausse équation, on ne peut que s'égarer dans de fausses pistes quand ce n'est pas dans le fossé des réponses oiseuses. C'est servir le voile, cet étendard idéologique, que de lui juxtaposer un corps dénudé. Il est méritant de lui opposer la parole de femmes démocrates, porteuses d'une modernité pudique, d'une parole forte et éprise de liberté. Elles existent. Elles n'intéressent pas les caméras occidentales. Et puis les reportages. Cinq. Confectionnés selon toute vraisemblance à la hâte, ils souffrent d'un certain amateurisme, exception faite de celui sur les Haragas. Et pour cause, ce document est emprunté à l'excellente émission Thalassa. Il dénote par rapport aux autres. Et particulièrement par rapport au plus nul qui traite du monde rural. Là, on quitte le journalisme pour s'aventurer dans de l'ethnologie spontanée. On sort du documentaire pour pénétrer dans de la mise en scène où des pauvres gens, naïf et gentils, jouent les acteurs à leur insu sous la férule d'une journaliste, vicieuse et impudique. Résultat, un docu truffé de phrases du type «La famille peut bien se réjouir, la mariée sera vierge» Quand on connaît la confrérie journalistique, on sait qu'en, terra nihilus, ces éclaireurs ne s'aventurent pas à la légère dans des espaces inconnus et donc inquiétants, type Sidi Moumen. Pour faire, il faut des éclaireurs et des guides locaux, journalistes eux même. Le problème des pays comme le Maroc, ce ne sont donc pas les journalistes français ou étrangers. Le problème, ce sont ceux qui leur servent de guides et qui leur montrent le chemin éditorial. Ceux-là, ils sont pires que les vendeurs de tapis ou les mendiants. Pour le prix d'une bière, ils seraient capables de vendre la dignité d'un peuple.