La décision de la Cour spéciale de justice (CSJ) de ne pas donner suite à l'affaire de la Banque Populaire, s'étant déclarée incompétente, va dans la droite ligne des revendications appelant à sa suppression. S'étant déclarée incompétente dans l'affaire Banque Populaire, la Cour spéciale de justice (CSJ) marque par la même occasion une véritable première dans son Histoire. Jamais elle n'avait dit non à une affaire. Et pourtant, le coup de théâtre a bien eu lieu. Cette juridiction, qui tranchait dans toutes les affaires liées à la corruption et la dilapidation de deniers publics, a décidé de soumettre ce dossier au Procureur général du Roi près cette même juridiction. Une décision qui n'a été prise qu'à l'issue d'un interrogatoire détaillé des personnes poursuivies dans cette affaire, dont l'ancien président-directeur général de la BP, Abdellatif Laraki. Pour mémoire, ce dernier, ainsi que ses co-accusés, au nombre de cinq, sont poursuivis depuis plus d'une année pour « détournement, dilapidation de deniers publics et falsification de documents officiels ». Maintenant, et non seulement l'affaire sera certainement différée à une juridiction ordinaire, avec un passage obligé par un processus normal qui suppose Cour de première instance et Cour d'appel le cas échéant, mais les personnes incriminées pourraient ainsi bénéficier de tous leurs droits, à commencer par celui de la présomption d'innocence. Et pour cause, on n'a eu que trop l'habitude de voir en les accusés qui passent devant la CSJ des criminels. Quand une affaire passe entre les mains de la CSJ, ces personnes sont, dans les faits, coupables jusqu'à preuve du contraire. Aussi bien l'opinion publique que les juges eux-mêmes voient en eux des coupables. Elles sont ainsi condamnées avant même que la justice dise son mot. Plus important encore, cette décision va dans la droite ligne des revendications formulées par plusieurs instances, à commencer par les organisations de droits de l'Homme, nationales comme internationales, et celles des représentants de l'opinion publique et de la société civile qui n'ont cessé d'appeler à la suppression pure et simple de la CSJ. La raison n'est que le risque de causer du tort à des innocents et la manipulation dont la CSJ pourrait faire l'objet. Une revendication à laquelle le ministre de la Justice Mohamed Bouzoubaâ adhère et dont l'acceptation n'est désormais qu'une question de temps. La décision de suppression de cette cour fera l'objet d'une loi qui sortira incessamment. En attendant, qu'en sera-t-il des affaires présentées devant la CSJ. Il s'agit, entre autres, de l'affaire CIH et celle de la CNSS. La CSJ, tranchera-t-elle dans ces affaires ? Ou bien, faut-il s'attendre à une décision à l'image de celle qui a eu lieu dans le cas Banque Populaire, qui viendrait sonner le glas à une juridiction qui n'aurait en réalité aucune raison d'être.