Une médiation qatarie entre l'Europe et la France d'un côté et la Jamahiriya libyenne de l'autre était à l'œuvre. Nicolas Sarkozy a tenu à le faire savoir en remerciant publiquement le Premier ministre du Qatar pour sa médiation. Lorsque le président français Nicolas Sarkozy, clôturant avec succès l'affaire des infirmières bulgares et du médecin palestinien, dévoila aux journalistes le nom du Qatar comme pays arabe intervenant dans cette crise, l'image de son Emir, le Cheikh Hamad bin Khalifa al Thani, trônant à la tribune officielle du défilé du 14 juillet prend un relief différent. L'explication selon laquelle l'Emir a été gratifié de cet honneur parce que son pays, qui s'apprêtait à ouvrir à Doha une filiale de la prestigieuse école militaire Saint Cyr, avait signé une commande ferme de 80 avions A350, était courte et ne reflétait pas les vraies raisons de cette lune de miel entre la France et le Qatar. Une médiation qatarie entre l'Europe et la France d'un côté et la Jamahiriya libyenne de l'autre était à l'œuvre. Nicolas Sarkozy a tenu à le faire savoir en remerciant publiquement «le premier ministre du Qatar (Cheikh Hamad bin Jassem bin Jabr al Thani) pour sa médiation, son intervention extrêmement importante et le geste humanitaire qui a été le sien». Et quand le président français affirme, avec grandiloquence, que ni la France ni l'Europe n'ont payé le moindre centime pour libérer les infirmières bulgares et le médecin palestinien, les regards des observateurs se tournent avec curiosité vers le Qatar qui , dans un geste de grande générosité politique, pourrait avoir accepté de prendre en charge les indemnités, évaluées à 460 millions de dollars, versées par l'intermédiaire de la Fondation Kadhafi, dirigée par un des fils Kadhafi, Seif el Islam, aux familles des enfants atteints par le virus du sida. Nicolas Sarkozy a levé un coin de voile sur les modalités de l'intervention du Qatar dans ce dossier en précisant qu': «à un moment de la négociation, le président de la Commission et lui-même avaient convenu qu'il fallait faire intervenir un Etat ami (…) Après, les discussions qui ont eu lieu entre le Qatar et la Libye, deux pays arabes, sont des discussions qui les regardent, et s'ils ont à communiquer dessus, ils communiqueront dessus». Le Qatar, riche monarchie gazière, entretient avec la Jamahiriya libyenne d'excellentes relations. Plusieurs indices nourrissent cette amitié. La chaîne Al Jazeera se prête régulièrement à des interviews de complaisance avec le Raïss libyen Mouammar Kadhafi soumis depuis des années à un embargo des grands médias arabes financés par l'Arabie Saoudite, pays avec laquelle les deux capitales, Tripoli et Doha, entretiennent des relations exécrables. Ces relations difficiles avec les autorités saoudiennes semblent être le moteur principal de l'activisme des Qataris. Sous l'impulsion de Cheikh Hamad et de sa troisième femme, la très dynamique Cheikha Moza, Doha s'est transformée en passage obligé des intellectuels arabes les plus subversifs, créant souvent synthèse et grand écart entre laïcs chevronnés et conservateurs obscurantistes. Le régime qatari et son côté agitateur d'idées et d'initiatives a le don de provoquer l'ire de son grand voisin saoudien. Ce qui fait dire à certains connaisseurs des ressorts internes du Qatar que: «L'Emir a longtemps eu le syndrome du Koweït face à l'Irak, il a peur de se retrouver un matin avec des troupes saoudiennes qui occupent son pays, et personne qui ne dirait mot». L'affaire des infirmières bulgares et du médecin palestinien a mis d'avantage de lumière sur l'activisme diplomatique du Qatar, petit Emirat du Golfe, ayant la particularité stratégique d'abriter la plus grande base militaire américaine de la région, la base d'Al Udeid avec ses 8000 soldats US. Dès que surgit un conflit entre Arabes, les Qataris apparaissent avec leur arsenal diplomatique. Dans les annales récentes du pays, les mémorialistes conservent le souvenir du va-et-vient actif du ministre des Affaires étrangères Cheikh Hamad bin Jassem bin Jabr al Thani entre le Premier ministre, patron du Hamas, Ismaël Hanyieh et le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, entre Beyrouth et Damas pour tempérer les tensions entre Libanais et Syriens. La récente actualité vient de montrer l'implication de la diplomatie qatarie, à la demande de l'Iran, dans un conflit interne au Yémen entre la rébellion saydite, une branche du chiisme, dirigée par Abdel Malak Al-Houti et le pouvoir central à Sanaa.