L'Iran et Israël doivent observer le déroulement de ce sommet quadripartite avec une attention particulière pour la simple raison que malgré leur absence, ils se trouvent au cœur des discussions. L'observateur qui s'aventure à décoder la communication politique de l'Elysée autour de la visite de Nicolas Sarkozy en Syrie ne peut s'empêcher de dresser ce constat lucide : au plus profond des fantasmes les plus désirés de la diplomatique française du moment, se niche un rêve d'une grand attractivité, celui de parvenir à ce cliché inédit pris sous les fines dorures des palais de la République d'une photo montrant le président Nicolas Sarkozy parrainer une poignée de main historique entre le président syrien Bachar Al Assad et le ou la future Premier ministre d'Israël. La meilleure preuve que tous les efforts du moment tendent vers cet objectif est l'extrême insistance à vouloir absolument organiser un sommet quadripartite entre la France, la Syrie, la Turquie et le Qatar pour magnifier les négociation en cours sous parapluie turc entre Israéliens et Syriens dans une visite qui devait d'abord signer la normalisation des rapports entre Paris et Damas et les retrouvailles entre deux pays que l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri avait fini par pousser à la rupture. Sur l'idée même de ce sommet, la Syrie a accepté publiquement d'en adopter la paternité. Bachar Al Assad fournit cet argument pour justifier sa tenue : «La Syrie est aujourd'hui présidente de la Ligue arabe, la France présidente de l'UE, et la Turquie est le seul pays qui a pu relancer le processus de paix même à travers des négociations indirectes (avec Israël) (…) Nous voulons un rôle prépondérant pour l'Europe à travers la France, et pour tous les pays arabes à travers la Syrie et le Qatar». Le Qatar assure la présidence du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Ce sommet au cœur de Damas avec un agenda aussi ambitieux que de transformer les timides contacts entre Israéliens et Syriens en de vraies négociations de paix et de bon voisinage entre deux pays qui sous-traitent depuis longtemps leurs guerres et leurs affrontements directs sur le terrain libanais et palestinien signe un retour fracassant de la diplomatie française dans cette région. A la presse syrienne, le président Nicolas Sarkozy réactualise l'ambition majeure de son quinquennat : «Depuis mon élection (...) j'ai voulu que la France reprenne toute sa place sur l'échiquier mondial. Au Proche-Orient, région qui est chère à mon cœur, j'ai souhaité que notre pays prenne pleinement ses responsabilités au service de la paix». Pour parvenir à cet objectif, Nicolas Sarkozy est obligé de jouer une musique qui doit faire grésiller les oreilles américaines : «La Syrie est un grand pays qui peut apporter une contribution irremplaçable au règlement des problèmes au Proche-Orient. Il est essentiel qu'elle joue un rôle positif dans la région». Deux puissances régionales doivent observer le déroulement de ce sommet quadripartite avec une attention particulière pour la simple raison que malgré leur absence, ils se trouvent au cœur des discussions : l'Iran et Israël. Nicolas Sarkozy redit aux Syriens les fondamentaux de la position française sur le sujet : «Je suis convaincu que nous devons résoudre la crise iranienne par le dialogue, car c'est le seul moyen d'échapper à une alternative catastrophique, que personne ne souhaite: la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran». Nicolas Sarkozy compte beaucoup sur Bachar Al Assad pour transmettre à ses alliés iraniens ce message de fermeté doublé d'une proposition de dialogue. Quant aux Israéliens, qui depuis l'annonce du retrait programmé d' Ehud Olmert vivant une vraie vacance du pouvoir politique, doivent ronger leurs freins de ne pas participer à une telle messe. Entre Syriens et Français, la rupture aura été aussi violente que les retrouvailles fracassantes. Et entre les deux hommes, Nicolas Sarkozy et Bachar Al Assad, la relation semble se baser sur un deal à la physionomie limpide. A Nicolas Sarkozy de tout faire pour briser l'isolement international de la Syrie et à Bachar Al Assad de tout tenter pour réintroduire la France dans le jeu politique du Proche-Orient.