Tony Blair entame, cette semaine, ses premiers contacts officiels avec les Israéliens et les Palestiniens. S'il y a une phrase que l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair doit méditer dans l'avion qui le dépose aujourd'hui lundi en Israël et à Ramallah, c'est celle, étonnamment lucide, confiée par l'ancien envoyé spécial du Quartette sur le Proche-Orient, le banquier James Wolfensohn au journal israélien «Haaretz»: «Les Etats-Unis n'ont jamais renoncé à garder la haute main sur les négociations israélo-palestiniennes et je serais fort étonné si pour le département d'Etat (…) je n'étais pas une gêne». Cela sonne comme un avertissement pour un homme qui a fait de la paix entre Palestiniens et Israéliens un moyen de renaissance politique. Sous son nouvel habit d'envoyé spécial du Quartette, Tony Blair effectue sa première mission par une visite en Israël et à Ramallah, siège du gouvernement de Salam Fayad, muni d'un cahier de charges fixé par le Quartette qui s'était réuni jeudi dernier à Lisbonne. Il s'agissait de la première réunion de ce club des médiateurs internationaux composé de l'Union européenne, de la Russie, des Nations Unies et des Etats-Unis, depuis le coup de force de Hamas à Gaza. Tony Blair, personnalité d'envergure internationale, charismatique à souhait, connu pour sa parfaite maîtrise des ressorts de l'impasse israélo-palestinienne, débutera ses premiers contacts officiels avec les Israéliens et les Palestiniens. Tony Blair est du genre à prendre une telle mission avec un élan messianique : «J'espère, a-t-il dit, pouvoir contribuer à l'émergence d'une solution à cette question d'une importance si fondamentale pour le monde». Sa nomination le 27 juin dernier et sa visite au Proche-Orient sont portées par l'initiative américaine d'organiser une rencontre internationale à Washington sur le sujet et qui signera, au grand bonheur des capitales arabes et européennes, le retour de la diplomatie américaine au Proche-Orient. Dans un premier temps, le plafond des ambitions est modeste : Tony Blair doit se contenter de rédiger un rapport pour le Quartette en septembre dans lequel il détaille ses propositions et sa stratégie pour amorcer les réformes économiques et institutionnelles destinées à favoriser la création d'un Etat palestinien. Dès l'annonce de son choix comme envoyé spécial du Quartette, Tony Blair avait été accueilli par une volée de bois vert par la presse israélienne et une épaisse vague de suspicion par les éditorialistes de la presse arabe. Une belle unanimité dans le doute. En Israël d'abord où on avait ouvertement moqué et soupçonné une secrète envie chez Tony Blair de vouloir exploiter ce dossier pour réhabiliter son image profondément ternie depuis sa participation, au côté de George Bush, dans l'aventure militaire irakienne. A ce stade, ce qui est manifestement craint côté israélien, c'est que Tony Blair ne tombe inconsciemment dans le piège de la repentance compensatrice. Pour l'opinion palestinienne ensuite, Tony Blair est avant tout l'homme qui avait toujours fendu le consensus européen sur la démarche à suivre pour lui apporter une aide concrète au profit d'une intimité solidaire, sans failles, avec l'administration américaine dans ses plus flagrantes erreurs d'appréciation. Mais tous s'interrogent sur sa marge de manœuvre réelle et son indépendance vis-à-vis de la stratégie de la Maison-Blanche. Les premières indications montrent que l'allié américain, membre influent du Quartette, va continuer à diriger et encadrer le processus de paix. Condoleezza Rice n'avait consenti à Tony Blair au cours de la réunion de Lisbonne, qu'un rôle « complètement complémentaire (en tant) qu'émissaire». Autant dire un strapontin éjectable. Même si publiquement l'interrogation de savoir s'il faut établir des relations avec le Hamas à Gaza a été tranchée au sein du Quartette sous l'influence des Américains pour qui le Hamas est et demeure une organisation terroriste à combattre, parler avec les Palestiniens de Ramallah tout en ignorant le drame qui se joue à Gaza complique d'avantage la mission de Tony Blair. Et la question qui brûle les agendas : Finira-t-il par adopter l'attitude française à l'égard du Hezbollah et parler aux dirigeants du Hamas ne serait-ce que pour aider et protéger l'autorité de Mahmoud Abbas ?