Israël a commémoré, le 12 juillet, le premier anniversaire du déclenchement de la seconde guerre du Liban. Une commémoration teintée de soucis, car cette guerre a mis en évidence des dysfonctionnements au sein de la société israélienne. Qui a gagné la seconde guerre du Liban ? Les analystes de la presse israélienne sont loin de partager l'optimisme et le triomphalisme affichés, ces derniers jours, par Ehoud Olmert. Les échecs subis par Tsahal, l'armée israélienne, les inclinent à faire preuve, dans leurs jugements, de modestie et d'humour. Ainsi, Ben Caspit, le chroniqueur politique de Maariv, manie l'ironie en se demandant : «Avons-nous gagné la guerre?». «Non » répond-il. «Avons-nous perdu la guerre ?», poursuit-il. «Bien sûr que non !», est sa réponse. Et de conclure par un cruel «match nul !». A ceci près que Israël est contraint de gagner chaque bataille, car «le match nul équivaut à un échec !», précise Ben Caspit. Celui-ci exprime un sentiment largement répandu dans l'opinion publique israélienne. Pour elle, la seconde guerre du Liban n'a pas été un conflit classique opposant Tsahal à une armée régulière. Il s'agit d'un conflit « asymétrique » où l'adversaire n'était qu'une milice. Le Hezbollah a utilisé les tactiques chères aux mouvements de guérilla. Les frappes aériennes massives menées par Israël et prolongées, à partir du 24 juillet 2006, par plusieurs offensives terrestres au sud du Litani n'ont pas débouché sur une victoire éclatante mais sur un cessez-le-feu imposé par la communauté internationale. Pour l'analyste humoristique, Israël n'a pas gagné la guerre, il a reçu «une gifle» et risque fort de recevoir, à l'avenir, s'il n'y prend garde, «un coup de poing». «Punition adéquate», nom initial de l'opération devenue «la seconde guerre du Liban», a mis en évidence les faiblesses de Tsahal. Et il ajoute : «si la guerre avait éclaté cinq ans plus tard, contre un Iran doté de l'arme nucléaire et contre un Hezbollah contrôlant l'armée libanaise, la situation aurait été beaucoup plus grave». La question se pose d'autant plus que la milice chiite libanaise, même si elle a été durement touchée par les coups que lui a portés l'armée israélienne, a récupéré l'essentiel de son potentiel militaire et a tiré avantage du fait d'avoir défié Israël. Milice armée mais aussi formation politique, le Hezbollah, dont des membres siègent au sein du Parlement et du gouvernement libanais, aspire à une meilleure représentation au sein de l'appareil d'Etat et paraît en bonne voie de l'obtenir. Son dirigeant, Cheikh Hassan Nasrallah, vit certes dans un bunker, affirme l'analyste de Maariv, mais c'est aussi le cas de Ehoud Olmert qui tente de se protéger, à l'abri d'un « bunker virtuel » contre la chute phénoménale de sa cote de popularité et contre la tempête que provoquera, en octobre, la publication du Rapport définitif de la Commission Winograd. Et Ben Caspit de remarquer que si Hassan Nasrallah a de nouvelles chances de prendre le pouvoir à Beyrouth, Ehoud Olmert est en passe de le perdre à Tel-Aviv ! Même si Tsahal a de fortes chances, sous la conduite du nouveau ministre de la Défense, Ehoud Barak, de restaurer sa capacité de dissuasion, la crise politique provoquée par l'échec du gouvernement Olmert est loin d'être terminée. Rares, très rares sont ceux qui parient sur une possible survie de l'actuelle coalition gouvernementale. Tôt ou tard, en tous les cas bien avant le deuxième anniversaire de la seconde guerre du Liban, Ehoud Olmert sera contraint de dissoudre la Knesset, le Parlement israélien, et d'organiser des élections législatives anticipées. C'est la conviction de tous les analystes. Pour celui de Maariv, le chef du gouvernement israélien n'est pas le seul perdant dans cette confrontation et dans l'émergence d'un « nouveau Moyen-Orient » dominé par l'Iran et en proie au développement du fondamentalisme religieux. Ce scénario catastrophe menace, à court et moyen termes, les efforts entrepris par les pays arabes modérés et par les Occidentaux d'endiguer la menace nucléaire iranienne et toute tentative de déstabilisation politique des régimes arabes locaux en parvenant à une solution négociée du conflit israélo-arabe. Dans l'hypothèse d'un retrait américain de l'Irak, un Proche-Orient dominé par l'Iran porterait un coup peut-être fatal au camp des pays arabes modérés comprenant l'Egypte, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes Unis, la Jordanie et, dans une certaine mesure, le Liban, du moins le gouvernement dirigé par Fouad Siniora. Ceux-ci pourraient «sombrer», craignent les pacifistes, et, avec eux, tout espoir de voir l'initiative de paix arabe, adoptée lors du Sommet de Riyad, les 28 et 29 mars dernier, produire les effets bénéfiques qu'on attend d'elle.