L'actuel ministre israélien de la Défense, Ehoud Barak, ne cache pas son scepticisme face à la réussite des négociations israélo-palestiniennes. Une analyse qui suscite de nombreuses interrogations après la révélation par Ehoud Olmert du cancer de la prostate dont il est atteint. Depuis sa victoire, lors des primaires travaillistes du 12 juin dernier, contre Amir Peretz, et son retour au gouvernement comme ministre de la Défense, Ehoud Barak s'est drapé dans la posture du dirigeant uniquement préoccupé par les aspects sécuritaires de la situation géopolitique. Loin de soutenir la nécessaire relance du processus de paix par Ehoud Olmert, il a assimilé à « du vent » les négociations menées par les Israéliens et les Palestiniens. De retour des Etats-Unis, il a , lors d'un symposium organisé, le 21 octobre 2 007 par le Parti travailliste, jugé que «les Palestiniens n'étaient pas prêts à faire la paix» et que la conférence d'Annapolis (Maryland) se solderait, donc, par un échec pour autant qu'elle ait lieu ! Les Israéliens se souviennent pourtant d'un Ehoud Barak autrement plus décidé à marcher sur les traces de celui qui fut son mentor politique, Yitzhak Rabin, dont on commémore, le 4 novembre, le douzième anniversaire de son assassinat par un jeune terroriste religieux juif Yigal Amir. Au lendemain de l'échec, à l'été 2 000, du Sommet de Camp David entre lui, Bill Clinton et Yasser Arafat, le Premier ministre Ehoud Barak avait fait sensation en réaffirmant sa volonté de toujours œuvrer en faveur de la paix . Il avait alors déclaré : «Je comprends la déception de ceux, nombreux en Israël, qui croient en la coexistence et en la politique de la main tendue à nos voisins, et je la partage même. Nous ne cesserons pas nos efforts pour parvenir à la paix, même si ce n'est pas à n'importe quel prix». Le Barak de 2 007 est bien différent de celui de 2000. Depuis son départ du pouvoir, en 2001, après sa défaite face à Ariel Sharon, l'homme a beaucoup changé. Il s'est lancé dans les affaires avec son frère tout en donnant des conférences, grassement rémunérées, dans des universités américaines. Il a fallu la crise ouverte au sein du Parti travailliste par la Seconde guerre du Liban et la mise en cause de Amir Peretz par la Commission Winograd pour que l'ancien Premier ministre revienne sur les devants de la scène politique. Il l'a fait en se positionnant résolument à la droite de l'Avoda (Parti travailliste) et en se montrant partisan d'une politique de la poigne de fer à l'égard des Palestiniens, notamment à l'égard du Hamas. C'est sous la pression de Ehoud Barak que le cabinet restreint de sécurité israélien a décidé, le 19 septembre dernier, de décréter la bande de Gaza «entité hostile». C'est également lui qui est à l'origine des sanctions décrétées, en cas de poursuite des tirs de roquettes Kassam sur Sdérot, contre les habitants de Gaza : une réduction des fournitures d'électricité et de carburant. L'efficacité de ces décisions est mise en doute par Ouzi Benziman, un analyste du grand quotidien israélien Haaretz. Ouzi Benziman qualifie ces mesures de «sanctions collectives contre les populations civiles palestiniennes» et précise : «La décision de harceler les Palestiniens, en les privant d'électricité et de carburant, doit être examinée à la lumière du prix qu'Israël devra payer pour mettre en application ce plan». Selon l'analyste, «l'expérience a appris que les punitions collectives ont toujours l'effet contraire à celui recherché. Elles accentuent la détermination des organisations terroristes à poursuivre leurs actions et multiplient le nombre des candidats pour des attentats suicides». Pour de nombreux observateurs, Ehoud Barak est décidé avant tout à gagner du temps. Il estime qu'il ne faut rien céder jusqu'à ce qu'Israël dispose, à partir de 2 009, d'un système américain efficace de protection contre les missiles à courte, moyenne et longue portée. D'où son opposition résolue aux négociations menées actuellement entre Israéliens et Palestiniens et son scepticisme quant aux chances de réussite de la conférence de paix d'Annapolis. Les ambitions d'Ehoud Barak, prétendant officieux à la succession d'Ehoud Olmert, ont été bouleversées le 29 octobre par la révélation faite par le Premier ministre israélien qu'il souffrait d'une forme mineure d'un cancer de la prostate. C'est une affection courante chez les hommes de son âge, 62 ans, et Ehoud Olmert a tenu à préciser que, n'étant pas obligé de suivre une chimiothérapie handicapante, il compte bien rester en fonction jusqu'à son opération qui pourrait l'immobiliser pendant deux à trois semaines. Cette opération pourrait provoquer un report de quelques semaines de la Conférence d'Annapolis, un report que les négociateurs israéliens et palestiniens pourraient mettre à profit pour combler le fossé qui les sépare encore. Cette maladie crée de surcroît un sentiment de solidarité envers le « patient ». Elle place en position difficile, vis-à-vis de l'opinion publique, ceux qui pourraient être accusés de « compliquer », par leurs gestes et leurs déclarations, un Premier ministre dont on se souvient qu'il a succédé, dans des circonstances dramatiques, à un Ariel Sharon frappé par un accident de santé. Voilà qui est de nature à gêner considérablement Ehoud Barak et contraindre ce dernier à adopter un profil plus modéré.