Pour la première fois dans l'histoire de leur formation, les militants travaillistes n'ont pu désigner dès le premier tour leur président. Ehoud Barak et Ami Ayalon s'affronteront, le 12 juin, pour la succession de Amir Peretz. Depuis sept ans, le Parti travailliste (Avoda) ne cesse de changer de leader. Ehoud Barak, Fouad Benyamin Ben Eliezer, Amram Mitznah, Shimon Peres et Amir Peretz ont tenté de redonner vie à cette formation dont l'ancêtre, le Mapaï, devenu le Maarakh en 1973, dirigea le pays de 1948 à 1977. Jusqu'à ce que se produise l'alternance avec l'arrivée au pouvoir du Likoud de Menahem Begin. Au terme d'une longue traversée du désert, l'Avoda obtint à nouveau une majorité en 1992 puis en 1999 avant que Ehoud Barak ne soit contraint de céder la place à Ariel Sharon en 2002. Aujourd'hui, avec ses 19 députés à la Knesset, l'Avoda est le deuxième parti israélien et le principal partenaire de la coalition gouvernementale dirigée par Ehoud Olmert. Son chef sortant, Amir Peretz est originaire de Boujad au Maroc. Il était secrétaire de la Histadrout, le principal syndicat israélien. En mars 2006, il avait conduit la liste de son parti lors des législatives, faisant campagne à la fois sur les questions sociales et sur la reprise du dialogue avec les Palestiniens. La victoire de Kadima avait empêché Peretz de devenir Premier ministre et Ehoud Olmert avait refusé de lui confier un grand ministère par crainte des réactions des milieux économiques locaux et des investisseurs étrangers. Mais il s'était consolé en devenant le très «civil» ministre de la Défense, en dépit de son manque d'expérience dans le domaine sécuritaire. Une lacune qui devait lui être fatale lors de la seconde guerre du Liban durant laquelle son rôle fut sévèrement critiqué par le Rapport intermédiaire de la Commission Winograd. Le règlement interne du Parti travailliste stipulant qu'une tête de liste aux législatives doit remettre en jeu son mandat de président s'il n'a pas remporté les élections, Amir Peretz a été contraint de se plier à cette démarche, au plus mauvais moment pour lui. Donné grand perdant par tous les instituts de sondage, Amir Peretz devait affronter quatre autres prétendants : l'ancien Premier ministre Ehoud Barak, l'ex-commandant de la marine et des services secrets Ami Ayalon, l'ancien ministre de la Culture, Ophir Pines Paz, qui avait démissionné du gouvernement pour protester contre l'élargissement de la coalition au parti d'extrême droite Israël Beïtenou d'Avigdor Lieberman et enfin l'ancien général Danny Yatom. Au terme d'une campagne sans grand relief, durant laquelle les candidats sont restés très flous sur leurs programmes respectifs, Ehoud Barak est arrivé en tête du scrutin interne du 28 juin avec 35, 6% des voix contre 30, 6% pour Ami Ayalon, 8% pour Ophir Pines Paz et 2,7% pour Danny Yatom. Amir Peretz a toutefois créé à nouveau la surprise en obtenant 22,4% des voix, un score qui fait de lui l'arbitre incontesté du second tour. Le vainqueur sera celui auquel il décidera de se rallier, en l'occurrence, selon la plupart des observateurs, Ami Ayalon. A condition que celui-ci, qui lui succéderait à la Défense, obtienne de Ehoud Olmert, moyennant le maintien de l'Avoda au gouvernement, l'attribution du portefeuille des Finances et des Affaires sociales à Amir Peretz. Redoutant d'avoir à revenir devant les électeurs en cas d'élections législatives anticipées provoquées par un éventuel départ des Travaillistes, le chef du gouvernement n'a guère donc d'autre choix que d'accepter ce scénario favorisant la survie politique d'Amir Peretz. Ehoud Barak ne paraît pas en mesure de l'emporter et de revenir sur le devant de la scène politique. Cela dit, quel que soit le résultat du second tour, le 12 juin prochain, il faut noter que le vainqueur sera un homme partisan d'une reprise des négociations avec l'Autorité palestinienne, de la création d'un Etat palestinien comprenant Gaza, la quasi-totalité de la Cisjordanie et les quartiers arabes de Jérusalem-Est ainsi que d'un accord de paix avec la Syrie impliquant l'évacuation du Golan. Ehoud Barak et Ami Ayalon, chacun avec ses mots, se sont clairement prononcés à ce sujet. C'est là sans doute la principale leçon qu'on doit tirer des primaires travaillistes, à savoir que leur vainqueur répondra de manière positive aux propositions formulées par Mahmoud Abbas, propositions constituant l'unique moyen de prévenir une escalade de la violence au Proche Orient et offrant la perspective de la conclusion d'un accord de paix définitif.