Deux affaires judiciaires, deux jugements qui montrent comment la justice espagnole peut être injuste. Le Conseil général du pouvoir judiciaire est l'institution chargée de veiller à la bonne marche et à l'impartialité de la justice en Espagne. La Constitution démocratique de 1978 lui a conféré toutes les prérogatives en matière de justice . Elle l'a immunisé contre toute ingérence du pouvoir exécutif. On peut donc dire que, conformément à la loi fondamentale espagnole, la justice est indépendante et impartiale. Mais, dans la réalité, cette impartialité n'est pas toujours effective. Si le corps de la magistrature y veille, certains magistrats, juges d'instructions et procureurs ont du mal à se prémunir contre la tentation de céder aux préjugés et aux prises de position personnalisées. Deux affaires défraient actuellement la chronique judiciaire en Espagne. Les deux cas concernent des Marocains. Et à travers les deux affaires, on remarque combien la justice peut, parfois, même dans les pays démocratiques, être injuste. Le lundi 14 mai, deux jeunes Espagnols ont été présentés devant le tribunal de «Malgarat de Mar», une petite ville du sud de l'Espagne, pour homicide. L'affaire remonte à 2001. Les deux mis en cause, des videurs d'une boîte de nuit, s'étaient acharnés contre Mouhcine Chennaoui, un jeune Marocain de 19 ans qui voulait juste entrer dans la discothèque en question. Après lui avoir asséné des coups de poings, ils ont sorti deux battes de baseball et l'ont tabassé jusqu'à ce qu'il perde conscience. Ensuite, ils l'ont éloigné de l'entrée de la discothèque et sont retournés au travail. Mouhcine entrera dans un coma profond dont il ne sortira jamais puisqu'il mourra une semaine après. Sa famille sera même empêchée de le voir dans l'état où il avait été transporté à l'hôpital tellement il était défiguré. Cela fait six ans que l'affaire traîne devant la justice et les deux videurs sont en liberté. Devant le tribunal, le procureur demandera 12 ans de prison pour les deux accusés. Cela signifie que, même s'ils sont condamnés, ils ne resteront en prison que quatre ou cinq ans au maximum. Dans le deuxième cas, il s'agit des deux Marocains Abderrazak Mounib et Ahmed Tommouhi. Les deux ont été accusés, en 1991, d'avoir commis des viols dans la région de Barcelone. Ils ont été condamnés à 100 ans de prison ferme. Les deux n'ont jamais été identifiés par leurs victimes. Ils ont pu démontrer dans certains cas qu'ils étaient dans un autre endroit que le lieu du crime. Et, pire encore, le violeur a continué à faire des victimes en utilisant le même modus operandi alors qu'ils étaient en prison. Un livre-enquête réalisé par le journaliste espagnol Braulio García Jaén (Condamnés pour leur visage) relate comment toute l'affaire a été bâclée et comment la justice espagnole a refusé, malgré toutes les preuves de reconnaître son erreur. Mounib est décédé en prison alors que Tommouhi est resté en prison jusqu'à 2007 où la justice lui a accordé la liberté conditionnelle. Il faut dire que la justice espagnole lui a suggéré, à maintes reprises de demander la grâce, mais, il refusait toujours puisqu'il voulait être acquitté et réhabilité. L'écart entre les cent ans de Tommouhi et Mounib et les douze ans des deux videurs montre cruellement la distance qui sépare la justice de l'injustice en Espagne.