Dans son message adressé, lundi 12 avril, au Conseil supérieur de la magistrature, S.M le Roi Mohammed VI a appelé la Justice à être indépendante, notamment par rapport à deux types de pouvoirs : le pouvoir de l'argent et celui de l'information. S.M le Roi a également tranché le débat sur le statut des juges ayant opposé ces derniers au ministre de tutelle à l'occasion de l'affaire Erramach. Pour le Souverain, les juges sont, eux aussi, des justiciables exposés aux poursuites judiciaires, s'ils enfreignent la loi. Les vertus cardinales des magistrats ont été dressées dans un message royal. Le discours de SM le Roi Mohammed VI, dont une lecture a été donnée lundi par Abbas Jirari au Conseil supérieur de la Magistrature, établit le cadre et l'environnement dans lesquels doit s'exercer la justice au Maroc. Une grande partie de ce discours est consacrée à l'éthique de la profession. La clarté des phrases est sans équivoque : «La justice ne peut accéder à la place qui lui revient qu'en s'assurant la confiance des justiciables, laquelle reste tributaire de l'intégrité, l'impartialité et la rectitude des magistrats qui doivent, par ailleurs, rester à l'abri de toute influence ou interférence », affirme SM le Roi. A cet égard, la Constitution du pays ne peut pas garantir, à elle seule, «l'indépendance de la justice». Cette indépendance est aussi affaire de déontologie. SM le Roi met en garde les magistrats contre des «pouvoirs très tentants», parmi lesquels «l'argent à forte capacité corruptrice». Le mot argent est jeté à l'oreille des magistrats. Tout le monde en parlait par périphrases, de peur de se faire poursuivre pour diffamation ou pour ménager le parquet. Maintenant que le constat de sa circulation a été établi, le sujet n'est plus tabou. D'ailleurs, l'argent n'est pas la seule tentation à laquelle cèdent les magistrats. «Il en va de même de l'information dont l'influence croissante et l'impact puissant sur le conditionnement et le modelage de l'opinion publique constituent aujourd'hui un véritable quatrième pouvoir, sans parler de cet autre pouvoir qu'est l'inclination maléfique qui habite l'être humain», ajoute SM le Roi Mohammed VI. Autre constat frontal établi par SM le Roi : l'impuissance des «seuls moyens juridiques» à protéger les magistrats contre autant de «sollicitations aussi pressantes». «Le garde-fou le plus sûr réside, avant tout, dans le pacte scellé entre le juge et sa conscience», précise le Roi. Les magistrats sont ainsi mis devant leurs responsabilités qui les engagent à être des modèles pour les justiciables. «En effet, le magistrat, qui a pour devoir de veiller à la primauté de la loi, ne saurait, à plus forte raison, se placer en-dessus d'elle». Telles sont les grandes lignes du discours de SM le Roi qui s'attache, non pas à réformer la justice, mais à rappeler ses vertus à ceux qui l'exercent. Les recommandations que véhicule le message royal seront suivies d'actions, puisque le Souverain invite les membres du Conseil supérieur des magistrats à lui soumettre des «propositions complémentaires», en vue de garantir l'indépendance de ses membres. Il exhorte le Conseil à faire preuve «de fermeté et de sévérité pour contrecarrer toute atteinte à l'éthique et à la déontologie du Conseil Supérieur de la Magistrature et de la famille de la justice, et ce dans le plein respect de la loi, de l'honneur de la justice et de son inviolabilité.» Au demeurant, le message royal précise qu'outre le Conseil Supérieur de la Magistrature, deux autres institutions ont été créées pour veiller sur le bon déroulement de l'exercice des magistrats. Il s'agit de l'Amicale Hassania des magistrats, dotée d'une force de proposition relative à la réforme de la justice, et la Fondation Mohammadia pour la promotion des oeuvres sociales de la famille de la justice. Par ailleurs, le discours du Souverain conforte le ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, dans les réformes qu'il a entreprises et qui ont souvent provoqué la résistance de certains magistrats. Maintenant, le parquet est appelé à prendre position : soit contre les tentations énumérées dans le message royal, soit pour les pratiques opaques qui étaient monnaie courante chez de nombreux magistrats. Il y va de la confiance des Marocains dans leur justice. Une seule épine demeure toutefois dans le talon de la justice pour que sa réforme soit totale : la Cour Spéciale de Justice. Une juridiction exceptionnelle qui ne sied aucunement à l'Etat de droit, de démocratie et surtout à l'impatialié de l'appareil judiciaire.