En réponse au mandat émis contre neuf proches du président Paul Kagamé, le Rwanda a rompu ses relations diplomatiques avec la France. Ce coup de froid fragilise le difficile consensus dans la région des grands lacs. L'intérêt que porte le juge français Jean-Louis Bruguière au rôle du président rwandais, Paul Kagamé, et à celui joué par ses proches dans le génocide de 1994, a eu raison des fragiles relations entre Paris et Kigali. Les deux pays ont rompu leur relation diplomatique, vendredi 24 novembre 2006. La cause directe aura été le mandat émis par le juge Bruguière contre neuf personnalités proches du président Kagamé. Cette procédure s'inscrit dans le cadre d'une enquête du juge sur l'attentat qui a coûté la vie en 1994 au président Habyarimana. Cet événement tragique allait précipiter le Rwanda dans une longue guerre inter-éthnique et au génocide qui a coûté la vie à 800 000 personnes, des Tutsis (décompte de l'ONU) mais aussi des Hutus en 100 jours . Appartenant à l'ethnie Tutsie, Paul Kagamé a toujours accusé Paris d'avoir joué un rôle trouble dans ce génocide, allant jusqu'à mettre en place une commission nationale chargée de mettre la lumière sur la responsabilité de l'Hexagone, avant, pendant et après les événements tragiques de 1994. Cette commission qui doit reprendre ses audiences publiques le 11 décembre décidera en dernière instance sur une éventuelle procédure contre Paris devant la Cour Internationale de Justice (CIJ). Très énergique dans ses propos, Paul Kagamé qui a donné 24 heures à l'ambassadeur français pour quitter son pays, a ordonné aussi aux institutions françaises au Rwanda, notamment à l'Ecole internationale française Saint-Exupéry de Kigali ainsi qu'au centre culturel, de cesser leurs activités dans un délai de trois jours. Personnels de l'ambassade de France et coopérants ont été également a informé de regagner la frontière. Quant aux projets de développements financés par la France, ils ont été purement et simplement suspendus. Réagissant à ces événements, le ministre français des Affaires Etrangères, Douste Blazy, a rappelé que les démarches du juge constituaient une "décision de justice", assurant par la même occasion que cela n'avait "rien à voir avec une décision politique" de la part de la France. Ce n'est pas l'avis du président Kagamé qui, selon l'Associated Press, a qualifié le juge français d'imposteur et de politicien dans un entretien accordé mercredi à la Radio France-Culture. Le ministre rwandais de la Justice Tharcisse Karugarama a pour sa part déclaré à l'AP que le rappel de l'ambassadeur à Paris était la réponse de Kigali à l'acte d'"intimidation" de la France. «Il n'y a pas de raison de garder des relations diplomatiques avec un pays qui tente en fait de déstabiliser les institutions du gouvernement du Rwanda». Il faut dire que le document transmis au Parquet par le magistrat français, les conclusions sont lourdes de conséquences. «L'ordre final d'attaquer l'avion présidentiel (avait) été donné par Paul Kagamé lui-même pendant une réunion à Mulindi le 31 mars 1994». Une conclusion qui a fait ses échos dans toute la région des grands lacs. La guerre civile au Rwanda s'était propagée très vite dans les pays voisins comme l'Ouganda et le Congo.