Trois ans après une rupture diplomatique avec le Rwanda, la France a repris pied jeudi dans cette ex-colonie belge, en espérant qu'une coopération dans de multiples domaines puisse succèder à la défiance et aux accusations nées du génocide de 1994. «Nous allons reprendre des relations normales. Il y a à développer des programmes en matière de culture et de développement», a assuré le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, en rencontrant son homologue rwandaise Louise Mushikiwabo, avant des entretiens avec le président Paul Kagame. Il s'agit de la première visite d'un ministre français au Rwanda depuis la reprise des relations diplomatiques entre les deux pays le 29 novembre. Kigali avait rompu ces relations fin 2006 après l'émission par la justice française de mandats d'arrêt visant des proches du président Kagame. Ces personnalités sont soupçonnées d'être impliquées dans l'assassinat en avril 1994 du président rwandais hutu Juvénal Habyarimana, considéré comme l'élément déclencheur du génocide au Rwanda. Les massacres ont fait, selon l'ONU, au moins 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi. Un comité nommé par le gouvernement rwandais vient au contraire de conclure que la responsabilité de l'attentat incombait à des extrémistes hutus qui auraient voulu faire échec à un partage du pouvoir avec la rebellion tutsi envisagé par Juvénal Habyarimana. Le Rwanda accuse la France, plus généralement, d'avoir aidé les génocidaires par son soutien, notamment militaire, au régime hutu alors au pouvoir, ce que Paris dément formellement. «On a une histoire commune, on a eu des difficultés, on est prêt a en discuter mais prêts aussi a avancer. On commence une nouvelle étape de notre histoire commune», a déclaré Mme Mushikiwabo. Pour les «heures sombres, il nous faudra (...) demander aux historiens, aux sociologues, aux témoins, aux rescapés, de travailler ensemble pour que nos pays sachent ce qui s'est passé», a estimé Bernard Kouchner. Du côté de la France, «les torts ne sont pas aussi caricaturaux qu'on l'a raconté». «Il y a eu des erreurs d'appréciation, sûrement», a-t-il ajouté. Un tel travail de mémoire commun «serait une sorte de réparation», a estimé Théodore Simburudali, président de l'association de rescapés du génocide Ibuka Rwanda. Devant le ministre français, il a dénoncé «le négationnisme chez certains historiens, journalistes». «On attend de la France la reconnaissance de la mémoire du génocide. Les excuses sont nécessaires, d'autres pays l'ont fait (comme) la Belgique, les Etats-Unis», a-t-il déclaré. L'approche française au Rwanda se veut «prudente et non arrogante», souligne-t-on à Paris. «On va reprendre la coopération, toutes les coopérations, on va voir à quel rythme», précise un responsable français sous couvert d'anonymat, sans exclure qu'elle porte à terme sur le domaine militaire.