La majorité des ex-détenus parmi les membres de la Salafiya Jihadiya ne "décroche" pas. Le ministère de l'Intérieur tire la sonnette d'alarme et adopte des mesures de prévention et de dissuasion. L'écrasante majorité des ex-détenus islamistes membres des cellules terroristes ne rompt pas avec l'idéologie de la haine et les desseins destructeurs. C'est ce qui ressort d'informations émanant du ministère de l'Intérieur, relayées hier lundi par la MAP, et qui affirment en substance que les cas de repentance sont “quasi-inexistants“. Le cas qui renseigne le plus sur la gravité de cet état de fait est le démantèlement, fin juillet-début août 2006, de "Jamaât Ansar Al Mahdi", réseau dirigé par Hassan Khattab qui venait de purger une peine de prison de deux ans pour terrorisme. D'autres exemples vont également dans ce sens et cela aurait poussé les autorités publiques à revoir le système des grâces qui avait bénéficié à plusieurs centaines de détenus salafistes (voir encadré). Le ministère de l'Intérieur annonce d'ailleurs l'adoption d'une nouvelle approche dont les maîtres-mots sont "anticipation" et "dissuasion". Le département de Chakib Benmoussa affirme que l'un des principaux axes de cette approche consiste en la mise en place d'un système de veille qui intéresse en premier lieu "les principaux terreaux de gestation de la menace" et notamment les "foyers d'endoctrinement et d'embrigadement". Les informations obtenues grâce à ce système permettront aux services de sécurité d'effectuer "des actions d'assainissement ciblées", ajoute le ministère de l'Intérieur qui tient à souligner que toutes les opérations entrant dans ce cadre seront menées sous la supervision directe du parquet. Pour illustrer la nécessité d'une telle approche, le département de l'Intérieur affirme que les services de sécurité, rien que depuis août dernier, ont réussi à arrêter 317 personnes soupçonnées de terrorisme dans plusieurs villes du Maroc et dont seulement 44 ont fait l'objet de poursuites judiciaires. C'est le cas notamment, ajoute le ministère de l'Intérieur, des membres de "Jamaât Tawhid Wal Jihad" et "Hizb Attahrir Al Islami". Le premier groupe compte 13 personnes arrêtées récemment à Nouaceur et au quartier Sidi Bernoussi à Casablanca. Des écoutes téléphoniques, sous la supervision du Parquet, ont facilité le démantèlement de ce groupe qui avait menacé de mort, en 2005, plusieurs ministres et responsables gouvernementaux. Le deuxième groupe, lui, compte également 13 membres qui ont été arrêtés, pendant le mois de Ramadan dernier, à Meknès, Casablanca et Tétouan. Selon le ministère de l'Intérieur, les cellules démantelées comprennent, parmi leurs membres, des ex-détenus ayant purgé leur peine de prison ou bénéficié de mesures de grâce. Plus encore, les enquêtes menées ces derniers mois par les services de sécurité ont démontré que plusieurs cellules terroristes au Maroc entretenaient des relations étroites et assez poussées avec d'autres structures terroristes basées en Europe et notamment en Belgique. L'une de ces cellules (celle de Mohamed R'ha) s'était fait une spécialité de recruter des jeunes Marocains pour des opérations kamikazes en Irak. D'ailleurs, à en croire la presse irakienne de la semaine dernière, deux jeunes Marocains, originaires de Tétouan, s'étaient fait exploser dans le centre de la ville de Baâqouba et qu'au moins cinq autres auraient rejoint ce pays pour des actes similaires. En attendant, les mesures de grâce gelées Selon des statistiques établies par l'association "Annassir", 315 ex-détenus salafistes avaient bénéficié de mesures de grâce royale à plusieurs occasions. C'est ainsi que Abdellatif Amrine, l'un des kamikazes réservistes du 16 mai (condamné à 30 ans de réclusion) a pu quitter la prison, mais aussi des dizaines de salafistes condamnés à diverses peines de prison. Selon des sources informées, cela allait être le cas lors d'autres occasions, mais le démantèlement de "Jamaât Ansar Al Mahdi" avait tout chamboulé. Les autorités craignent les actes de récidive surtout que les détenus graciés ou ayant purgé leur peine auraient eu tout le temps pour affiner leur "vision" au contact des théoriciens de la Salafiya Jihadiya. Il n'en reste pas moins qu'en prison, les détenus salafistes appliquent leurs diktats au détriment des autres prisonniers et des fonctionnaires de l'Administration pénitentiaire.