Le renforcement du contrôle des autocars passe d'abord par les gares routières. A Salé, les multiples déficits dont souffre cet établissement font obstacle à sa mission. L'anarchie est accentuée par l'absence des pouvoirs publics. Reportage. Il est 13h. Ce samedi, à la gare routière de Salé, les voyageurs assis sur les bancs attendant l'arrivée des autocars ne sont pas nombreux. A la veille d'une fête religieuse comme celle d'Aïd El Fitr, les gares routières sont prises d'assaut, mais ici le silence donne l'impression de quelque chose d'anormal qui finit d'ailleurs par déranger certains. «J'attends depuis 6 h du matin. Il n'y a toujours pas d'autocar pour Sidi Kacem ?», demande un jeune homme au guichetier. N'ayant pas de réponse, ce dernier lui recommande d'abord de prendre son mal en patience et d'attendre encore un peu, avant de se résilier à lui rendre le prix du billet. A la gare routière de Salé, ce type de problèmes est quotidien. «Ici, nous accueillons les autocars transitant, mais nous n'avons pas de points de départs. Du coup, la majorité des autocars même avec des places vides évitent de venir à la gare et cela ne nous permet pas de faire notre travail», déclare le contrôleur général de la gare. Les autocars évitent ainsi de payer le droit d'utilisation de la gare, fixé à 28,8 DH, mais aussi le contrôle auquel ils sont assujettis par le contrôleur du «service des mines». Ce dernier a pour mission de vérifier les documents du véhicule, son état technique, veiller à ce qu'il n'y ait pas de surcharge ni de bagages pouvant présenter des risques comme les bonbonnes de gaz. A ces mesures préventives des accidents de la circulation d'autres s'ajoutent, aujourd'hui : deux chauffeurs pour les parcours de plus de 500 km, déclaration de l'identité du chauffeur auprès des autorités, obligation d'avoir un bon état de santé et renforcement de la sécurité. Ce durcissement accorde un intérêt particulier au côté humain omis, mais auquel sont souvent imputées les causes des drames de la route. Ce week-end, les contrôleurs devaient passer à la mise en vigueur des nouvelles mesures. Seulement voilà, à la gare routière de Salé, le contrôleur n'est pas présent. On nous rassure que son absence n'est due qu'à une convocation à une réunion urgente à Rabat et dont l'ordre du jour porterait justement sur ces nouvelles mesures. Cependant, on reconnaît qu'il est fort probable que le contrôleur ne revienne pas après la réunion. Cela veut dire tout simplement que les autocars de passage seront dispensés de l'inspection tout au long de l'absence du contrôleur. «Les autocars de toutes les manières fuient la gare et ce sont les courtiers qui font la loi», rappelle le contrôleur général dont la mission est de veiller à l'organisation de cet établissement. A quelques mètres de la gare, près du carrefour un cortège d'autocars crée des embouteillages. C'est là où se remplissent clandestinement les places vides des autocars sans qu'ils soient soumis au contrôle à la gare routière ni à la taxe de son utilisation. Les voyageurs pressés n'ont d'autre choix que de suivre la règle du plus fort en se mettant en file tout au long des trottoirs. Il suffira de faire signe à l'autocar pour enfin décrocher son billet pour n'importe quel prix. «Notre gare vit une véritable crise en raison de cette anarchie qui s'en est emparée», révèle un caissier. Une «anarchie» qui s'amplifie avec le manque de sécurité dont souffre cette gare: «Avec un seul policier pour une gare aussi spacieuse que celle-là et un poste de police fermé presque tout le temps, comment voulez-vous garantir la sécurité ?», se demande ce contrôleur général. Sur un terrain de près de 2 hectares, le policier semble plutôt perdu. «Le soir, c'est pire, des clochards viennent se réfugier dans les locaux de la gare et cela suscite une panique chez les voyageurs», explique cet autre caissier. Vieille de plus de 15 années, la gare routière de Salé, qui aura coûté plus de deux milliards de dirhams et dont l'objectif était de décongestionner celle d'El Kamra à Rabat, se bat aujourd'hui contre des déficits de tout genre. «Pour qu'on puisse faire notre travail comme il se doit, il faudra que l'accès à la gare soit obligatoire pour les autocars et qu'il y ait un horaire fixe pour tous les véhicules», estime un des caissiers. Des recommandations, tous les salariés de cette gare semblent en avoir. Tous veulent voir renaître cet établissement qui avait toutes les chances d'aller de l'avant mais qui s'est retrouvé tout d'un coup complètement inerte. «La présence du pouvoir public est indispensable pour que l'on puisse mettre un terme à l'anarchie», insiste le contrôleur général. Il est clair qu'avec des gares routières pareilles, la prévention des accidents de la circulation n'est pas encore gagnée.