"Al Adl Wal Ihssane, de la désobéissance civile à la terreur" est le titre d'une étude publiée jeudi à Bruxelles. Elaborée par un chercheur sur les mouvements islamistes, elle propose une plongée dans l'univers de ce mouvement. Al Adl Wal Ihssane est de retour au-devant de la scène avec la publication, jeudi à Bruxelles, d'une étude consacrée au mouvement de Abdeslam Yassine, son histoire, les notions qui fondent son idéologie, ses modes de recrutement et des phases marquantes de son bras de fer avec les autorités. Le chercheur algérien Lakhdar Ferrat commence par un grand détour dans les dédales de la littérature de ce mouvement et notamment les écrits de Abdeslam Yassine, base théorique des projets d'Al Adl Wal Ihssane. Dans cette étude, il est écrit que ce mouvement, comme le reste des mouvements à obédience similaire, vise à s'emparer du pouvoir. Par quels moyens ? L'auteur estime que l'hypothèse d'un éventuel passage à une confrontation ouverte n'est pas à écarter. Pour lui, les différentes manifestations du bras de fer entre ce mouvement et les autorités ne seraient autres que des phases d'"échauffement" et de préparation des adeptes à toutes les éventualités. L'étude relève d'ailleurs que la notion de "jihad" est très présente dans la littérature et le vécu d' Al Adl Wal Ihssane dont le guide prédit l'émergence de la "Oumma des moujahidine" (communauté des moujahidine) et des "soldats de Dieu" (Jound Allah) pour mener à bien l'entreprise adliste et se substituer aux partis, à la société civile, au régime. Soit, selon cette étude, la fin de la démocratie, notion qui ne trouve aucun crédit chez les adlistes qui rêvent, comme tous les islamistes radicaux, de l'instauration du Califat. Que dire alors des déclarations de Nadia Yassine à propos de la république ? Pour l'auteur de cette étude, ces déclarations ne sont autres que des ballons d'essai destinés et aux adeptes du mouvement et au pouvoir. Lakhdar Ferrat relève d'ailleurs cette contradiction flagrante entre la littérature "officielle" d'Al Adl Wal Ihssane et les déclarations dans la presse de Nadia Yassine. Ce mouvement peut-il recourir à la violence? L'étude affirme que toutes les hypothèses doivent être prises en considération surtout que plusieurs salafistes appréhendés après le 16 mai 2003 avaient fait leurs classes chez Abdeslam Yassine. Mais surtout si on revient à quelques événements particuliers dont les événements des campus universitaires de Fès et Oujda pendant l'automne 1991. Sans parler du bras de fer qui dure depuis plusieurs années avec les autorités et qui s'est manifesté par plusieurs phases : la "guerre des plages", il y a quelques années, et la "guerre des portes ouvertes" toujours en cours avec des dizaines de procès et des centaines d'arrestations. Cette étude s'intéresse également aux modes de financement du mouvement et notamment à ses connexions, au Nord du pays, avec les milieux de la contrebande et des activités informelles. Lakhdar Ferrat consacre aussi une bonne partie de cette étude aux modes de recrutement et d'embrigadement d'Al Adl Wal Ihssane qui s'active dans tous les couches et milieux sociaux. Plus encore, cette étude revient sur le mode d'entrisme adopté par ce mouvement pour "noyauter" les ONGs et notamment les syndicats et les organisations professionnelles, tous corps de métiers confondus. A maintes reprises, on retrouve dans cette étude un parallèle entre le FIS (Front islamique du Salut) en Algérie et Al Adl Wal Ihssane. Lakhdar Ferrat, exilé depuis 1994 en Belgique, affirme que les modes opératoires des deux mouvements ne diffèrent pas trop l'un de l'autre surtout pour resserrer leurs griffes sur la société. «Avec les positions d' Adl Wal Ihssane, on se retrouve face à la mise à l'écart de la légitimité démocratique, qui est encore embryonnaire, au profit d'une légitimité confessionnelle dans le domaine de l'action politique. C'est la négation de tout recours au consensus, de tout contrat social et de toute alternance possible», peut-on lire dans la conclusion de cette étude publiée d'abord en langue française par les "Editions Amazigh Bruxelles". La version en langue arabe sera disponible dans les jours à venir. L'auteur, pour les besoins de cette étude, a recouru essentiellement aux livres de Abdeslam Yassine, à des écrits critiques produits par des intellectuels marocains et étrangers ainsi qu'aux archives de la presse nationale. Lakhdar Ferrat, journaliste et chercheur associé de plusieurs centres, est spécialiste des mouvements islamistes et des questions de la coopération euro-maghrébine.