Samira et son amant Ahmed semblaient filer le parfait amour, n'eût été le coup de poing mortel que celui-ci lui a asséné suite à une banale esclandre. Entre amour… haine, le lien est si ténu. Sans aucun doute, Ahmed l'ignorait-il. A preuve, il n'aurait jamais pu imaginer que ses bons sentiments envers la belle Samira allaient un jour se transformer en une haine indicible. « M. le président, tous les habitants de mon quartier savaient que je l'aimais », lâche-t-il sur un ton à la fois triste et désabusé. Avec sa corpulence de sportif, Ahmed a le port altier. Dans le box des accusés, il se tient droit, toisant du regard les magistrats de la chambre criminelle près la cour d'appel de Safi. Il n'a jamais pensé se retrouver dans une pareille situation. Ses parents non plus. Ils sont venus le soutenir moralement face à ce malheur qui les a tous endeuillés. De même que ses amis et voisins. Jouissant d'une bonne réputation, il n'a jamais fait de mal à qui que ce soit. Il avait du respect pour tout le monde et semblait aimer son prochain. C'est cette réputation qui a touché le cœur de Samira. Une belle jeune fille de vingt-deux ans qui avait fait ses études jusqu'à la neuvième année de l'enseignement fondamental. A son dix-huitième printemps, elle a décidé d'intégrer le monde du travail pour subvenir aux besoins de sa famille. Ce qui ne fut pas une mince affaire. Tout le monde voulait sa part du gâteau. Sa mère, son père, ses deux sœurs et son frère n'avaient d'yeux que pour son portefeuille. Ce qui ne fut pas le cas pour tous ceux dont elle croisait le regard dans la rue ou sur son lieu de travail. Les mots mielleux qu'ils lui susurraient dans le creux de l'oreille se transformaient à son insu en “papier-monnaie“. Elle ne voulait pas se complaire dans des relations sans lendemain. Elle rêvait d'amour et de rien d'autre. Ce qui finit par advenir. Elle a eu, en effet, le coup de foudre pour un jeune homme qu'elle connaissait bien. Ahmed, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a pris l'habitude de la suivre sans qu'elle n'en prenne garde. Le matin, à midi et à la sortie des usines, il était là en train de guetter ses pas. Il voulait s'assurer qu'elle ne sortait avec personne. Après s'en être convaincu, il l'a accostée pour lui déclarer sa flamme. Elle en a été émue aux larmes. Pour elle, un homme aussi sérieux ne pouvait qu'avoir de bonnes intentions. Ceci d'autant plus qu'elle le connaissait préalablement et qu'elle savait par oui-dire que c'était un jeune homme qui manifeste du respect. Sans trop d'hésitation, elle a donc répondu à ses avances. Elle semblait convaincue qu'il n'en profiterait pas outre-mesure et qu'en homme de bonne famille, il saura vite en tirer les conclusions. Elle semblait prête à lui céder, à condition, bien entendu, que leur aventure prenne la bonne tournure et qu'elle finisse en mariage. Elle a donc accepté de partager avec lui des moments très intimes. Du café, au lit et du lit à la maison parentale… Les jours se succédèrent et la flamme d'Ahmed et de Samira ne fit qu'augmenter. Bref, ils se croyaient unis pour la vie. N'eût été ce coup de poing mortel qu'Ahmed lui a asséné, ils auraient pu vivre heureux. Le sort en a décidé autrement. «Je t'attends dans vingt minutes». Pourquoi était –elle si pressée de le voir ? N'avaient-il pas pris rendez-vous pour le lendemain ? Samira ne lui a rien expliqué. Dix minutes plus tard, Ahmed lui a téléphoné. Elle ne lui a pas répondu, aussi s'est-il pressé d'aller vers le lieu du rendez-vous. Elle s'y trouvait déjà, faisant le pied de grue pour prendre son mal en patience. «Je ne veux pas te surprendre, je vais me marier d'ici à la fin du mois», lui a-t-elle asséné. Et leur amour ? N'a-t-elle pas pris en compte leur relation qui a duré depuis trois ans ? A-t-elle oublié les promesses qu'ils se sont faites ? «Je t'aime encore, mais mes parents m'ont obligée d'épouser mon cousin, un ressortissant marocain à l'étranger», lui a-t-elle expliqué. Ahmed n'en a pas cru un mot. « Tu mens », lui a-t-il répondu. « Tu t'es foutue de moi et tu vas le regretter ». A son amour pour elle, la haine a succédé. Elle est à lui et ne sera à personne d'autre. Une invective, puis une autre et l'irréparable se produisit. Un coup de poing violent viendra à bout de Samira. Elle est tombée à la renverse, raide morte. Ahmed écopera de vingt ans de réclusion criminelle.