Après l'île italienne de Lampedusa, c'est au tour des îles Canaries d'être touchées par l'émigration clandestine. Un "Cayuco" avec 84 immigrés à bord est arrivé lundi aux îles Canaries, portant à quelque 300 le nombre de clandestins ayant pu atteindre les côtes de l'archipel en moins de 48 heures, annonce-t-on à Las Palmas, de source officielle. Selon des statistiques rendues publiques cette semaine par le délégué du gouvernement, quelque 12.400 immigrants d'origine subsaharienne sont parvenus à gagner les côtes de l'archipel espagnol à bord d'embarcations depuis janvier dernier contre 6.800 arrivées durant toute l'année 2005. De ce contingent, 10.480 ont été transférés vers la péninsule ou rapatriés. Repoussés du nord du Maroc, dissuadés par le renforcement des mesures de contrôle hispano-marocaines dans le détroit de Gibraltar, les émigrants africains tentent de gagner soit la petite île italienne de Lampedusa, située à 115 km des côtes tunisiennes, soit de débarquer dans l'archipel espagnol des Canaries. Ceux qui partent du littoral mauritanien se rabattent désormais sur les îles de Tenerife ou Gran Canaria, de préférence à celle plus proche de Fuerteventura, qui est protégée par un système extrêmement perfectionné de surveillance par radars et caméras. La stratégie, des plus risquées, consiste à longer les côtes, là où les déferlantes et le ressac sont les plus forts pour éviter les radars. Avec le risque, à tout moment, de se fracasser contre les falaises. Les filières de l'émigration clandestine africaine vers l'Europe privilégient aussi une nouvelle route plus longue et plus dangereuse. La distance de la traversée a été multipliée par dix, jusqu'à plus de 1000 km, et les trafiquants ont dû mobiliser de nouveaux moyens pour s'y engager : les "Cayucos"». Ces embarcations plus robustes que les tristement célèbres « pateras » sont en fibre de verre. Mesurant entre 14 à 18 mètres de long, elles sont dotées de deux moteurs ainsi que d'une douzaine de bidons de combustible et peuvent transporter de 50 à 70 personnes. L'incident le plus surprenant enregistré au cours du week-end dernier a eu lieu dimanche après -midi lorsque des baigneurs, médusés, ont vu débarquer sur la plage de La Tejita, au Sud de Tenerife, 88 immigrés subsahariens à bord d'une pirogue que les systèmes de surveillance sophistiqués n'ont pas pu détecter. Des baigneurs se sont portés au secours des clandestins extenués, dont deux femmes et un mineur. Deux autres pirogues étaient arrivées dimanche au même port avec respectivement 82 et 35 personnes à bord, dont quatre mineurs. Le même jour, les secours maritimes sont parvenus à récupérer les cadavres de deux clandestins restés, depuis vendredi dernier, à bord d'une embarcation à la dérive au sud des Canaries, en raison des mauvaises conditions de la mer. Les deux victimes faisaient partie d'un groupe d'une trentaine de clandestins, partis une semaine auparavant des côtes mauritaniennes, et qui ont pu être secourus, vendredi en haute mer, par une patrouille espagnole. Les autorités espagnoles avaient annoncé, vendredi dernier, que deux autres personnes avaient trouvé la mort à bord de deux pirogues interceptées au Sud de Tenerife.