Les principaux syndicats et associations culturels au Maroc ont constitué une coalition pour protester contre les accords de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis. Ils craignent que les produits culturels ne soient considérés comme une marchandise. En quoi cet accord menace-t-il la culture marocaine ? Les acteurs culturels du pays font bloc contre les accords bilatéraux de libre-échange entre le Maroc et les Etats-Unis. Ils ont constitué une “coalition pour la diversité culturelle marocaine“. Cette coalition englobe sept groupements parmi les plus importants dans le pays. Il suffit de dire que l'Union des Ecrivains du Maroc et l'Association des professionnels de la radio et de la télévision font partie de cette coalition pour se rendre compte du sérieux de la démarche. Les membres de la coalition ont rédigé une déclaration de principes pour défendre le droit légitime à la différence culturelle du Maroc. Ces principes défendent “l'identité et la créativité humaines“, “l'appui moral et financier de l'Etat au développement du bien culturel au Maroc“, la reconnaissance du “caractère exceptionnel des œuvres, productions, bien et services culturels“ qui ne peuvent être assimilés à une marchandise. Hassan Nafali, secrétaire général du Syndicat national des professionnels du théâtre, est clair sur le sujet. Il a déclaré à ALM : “une chose est le produit commercial et autre chose est le produit culturel. La culture ne peut pas être considérée comme n'importe quelle autre marchandise“. Mais en quoi est-ce que les accords de libre-échange entre le Maroc et les USA menacent-ils les produits culturels marocains ? Sarim El Fassi, président de la Chambre marocaine des producteurs de films, a une position alarmante sur le sujet : “Demain, les cinéastes américains pourront avoir droit aux subventions du CCM au même titre que les réalisateurs marocains“, dit-il. “Ils pourront aussi demander la suppression de cette subvention si elle ne profite pas de façon égale à tous“, ajoute-t-il. Si l'on suit cette logique, un réalisateur comme Ridley Scott, en tournage au Maroc, pourrait adresser son scénario aux membres de la commission qui octroie l'aide à la production au CCM. C'est une caricature – évidemment – compte tenu de la modestie de cette aide, comparativement aux budgets faramineux des superproductions hollywoodiennes. Mais le droit de prétendre à l'aide à la production au Maroc existe peut-être dans l'accord de libre-échange. Et il va dans un seul sens, parce que l'industrie du cinéma n'est pas subventionnée par l'Etat aux USA. Au reste, les acteurs culturels marocains se sont élevés contre cet accord sans en connaître le contenu. “Nous ne savons absolument rien de la teneur du texte de ces accords, mais un responsable nous a expliqué qu'il s'agit d'un package qui ne se prête pas à une exception des produits culturels“, explique Hassan Nafali. En fait, le Maroc a suivi l'exemple de neuf pays, dont la France, le Canada, la Corée du Sud et le Sénégal, qui ont déjà constitué des coalitions pour la défense de leur diversité culturelle. Et si la production artistique marocaine ne représente rien quantitativement aujourd'hui, personne ne sait de quoi demain sera fait. Avec la libéralisation des ondes, une loi de libre-échange laisse les coudées franches aux chaînes et radios américaines. Ils pourraient dénoncer toute subvention de l'Etat de nature à les défavoriser. C'est l'appréhension d'un avenir incertain qui a poussé les membres de la coalition pour la diversité culturelle marocaine à s'activer auprès des responsables marocains pour être informés du contenu de l'accord. Ils n'appellent pas à l'exclusion d'une autre culture, mais veulent défendre la production nationale. Mohamed Gounjjar, président de l'association marocaine des professionnels du livre, explique à cet égard : “La culture n'a pas de frontières, et elle est ouverte à tous. En nous constituant en coalition, nous ne dénonçons pas la culture américaine, mais cherchons à protéger notre identité parmi d'autres identités distinctes ».