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L'affaire Baitas, ou quand le syndrome Akhannouch, qui entretient la porosité entre pouvoir et intérêts partisans, souille une vie politique insalubre
Publié dans Barlamane le 17 - 03 - 2025

Un camion communal stationné devant la résidence familiale de Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement, a suffi à raviver les soupçons d'une collusion entre les ressources publiques et les réseaux d'influence du parti au pouvoir, le RNI. Tandis que les justifications officielles oscillent entre silences embarrassés et explications lacunaires, cette affaire expose les mécanismes d'un système truand où les collectivités locales semblent bien souvent réduites à de simples instruments au service de manœuvres préélectorales plus larges. Derrière l'épisode du véhicule détourné, c'est la question plus profonde de l'absence de séparation entre administration et intérêts partisans qui ressurgit, dans un paysage politique asthénique marqué par l'érosion des contre-pouvoirs et une désagrégation des barrières morales.
Inutile de contacter Mustapha Baitas : il demeure sourd à toute sollicitation. Le mépris au secours de l'incompétence et du clientélisme. Il ne quittera pas le navire d'Aziz Akhannouch, lui le fidèle parmi les fidèles au fait de la future approche anticipative de la campagne qui se prépare. La source du scandale est une image qui, en d'autres circonstances, aurait pu passer inaperçue : un camion de la commune de Tioughza, stationné devant la résidence familiale du porte-parole du gouvernement, dans la ville de Sidi Ifni. Sauf que le contexte, lui, donne à ce simple instantané une portée bien plus lourde, révélatrice d'une mécanique où l'entrelacement du pouvoir, des collectivités locales et des réseaux d'influence partisane s'opère en toute impunité.
Les démissions se succèdent à la suite de cette affaire, les accusations se multiplient sur un possible détournement de moyens publics au profit d'une opération organisée par l'association Joud, proche du Rassemblement national des indépendants (RNI). Baitas préfère un silence dont la prudence n'échappe à personne mais dont les implications, elles, s'avèrent autrement plus compromettantes. En refusant d'apporter la moindre explication sur l'utilisation de ce camion, sur les circonstances de sa présence devant le domicile de sa famille et sur la nature exacte des liens entre les collectivités locales et les réseaux caritatifs gravitant autour de son parti, le ministre ne fait que confirmer la vérité d'une gestion du pouvoir où l'absence de transparence n'est plus une anomalie, mais une habitude bien ancrée.
Une défense politique qui vacille sous son propre poids
Face à cette situation, la ligne de défense adoptée par le RNI oscille entre déni maladroit et justifications lacunaires, révélant moins une volonté de convaincre qu'une difficulté à contenir un malaise grandissant. Le président de la commune de Tioughza et membre du RNI s'est d'abord empressé d'affirmer que le véhicule communal n'avait aucun lien avec l'association Joud, avant d'admettre qu'il était bien en mission officielle, sans toutefois préciser la nature exacte de cette mission ni expliquer pourquoi la plaque d'immatriculation du camion avait été dissimulée, un détail qui, à lui seul, suffit à nourrir les soupçons d'une opération préélectorale dont on cherche délibérément à brouiller les contours.
Car au-delà de l'épisode du camion, c'est tout un système de gestion des ressources publiques qui se trouve ici mis en cause : les collectivités locales deviennent, on l'apprend grâce au RNI, les rouages discrets mais essentiels d'une logique partisane où l'aide sociale se confond avec l'enracinement des assises politiques d'un pouvoir qui, faute de légitimité profonde, s'appuie sur les mécanismes les plus élémentaires d'affairisme et de distribution ciblée des ressources pour asseoir son emprise.
Un pouvoir sans contrepoids qui veut gouverner jusqu'en 2030
Si l'affaire Baitas froisse, ce n'est pas tant en raison de son caractère inédit que parce qu'elle illustre, une fois de plus, l'absence totale de ligne de démarcation entre l'Etat et les intérêts d'un parti au pouvoir, dans un pays où les appareils politiques partisans ne se contentent plus de chercher à orienter la gestion publique mais semblent en avoir intégré chaque rouage, chaque outil, chaque ressource à leur propre fonctionnement.
Dans un domaine où les équilibres institutionnels sont depuis longtemps affaiblis où les contre-pouvoirs peinent à s'imposer face à une administration devenue un simple prolongement des intérêts partisans et où la reddition des comptes demeure une chimère dont plus personne ne prétend sérieusement exiger l'application, ce nouvel épisode s'ajoute à la longue litanie des scandales qui, au fil du temps, ne provoquent plus d'autre réaction qu'un fatalisme résigné.
Le syndrome Akhannouch définit d'une élite politique qui, à défaut de produire une vision cohérente et légitime de l'action publique, se contente d'en détourner les moyens pour mieux asseoir son propre maintien. Et dans un contexte où la parole officielle se réduit à des esquives et où le silence devient un mode de gouvernance à part entière, il ne reste plus que l'évidence d'un pouvoir qui ne prend même plus la peine de dissimuler ses excès, certain qu'il n'aura jamais à en répondre.


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