Le discours de Tarik Ramadan verse-t-il dans le double langage ? Tantôt laïc, tantôt défenseur d'une certaine vision de l'Islam, le citoyen suisse est souvent accusé d'antisémitisme par les médias. Virulent dans les cités, laïc à la télé, et un soupçon de fondamentalisme dans le Maghreb, Tarik Ramadan, petits-fils de Hassan El Banna, fondateur du mouvement des Frères musulmans, concentre sur sa tête toutes les contradictions. Son voile est tombé dans le débat sur la laïcité, porté à son point culminant le temps de l'émission de TF1 à fort taux d'audience, «100 minutes pour convaincre». A la question directe de Nicolas Sarkozy, M.Ramadan s'est prononcé sur tout, sauf sur le voile lui-même. Grand prêcheur devant l'Eternel, il est resté étrangement hésitant devant les questions (un interrogatoire policier, d'après ses partisans), du ministre de l'Intérieur français qui l'a mené finalement là où il voulait : sur le sujet de la lapidation des femmes. Pour ou contre ? Ramadan a été prolifique mais pas clair, pas tranchant. Plus habile ou moins courageux que son frère Hani Ramadan, directeur du Centre islamique de Genève, qui a justifié la lapidation des femmes "adultères" et la mutilation de la main des voleurs. Mais c'est sur l'antisémitisme, que Tarik Ramadan a eu le plus à s'expliquer récemment. Accusé d'avoir indexé dans une contribution à la presse, certains cercles bien pensants dans les milieux juifs en France qu'il accuse de «développer des analyses de plus en plus orientées par un souci communautaire qui tend à relativiser la défense des principes universels d'égalité ou de justice». Accusations plausibles peut-être mais que Ramadan a préféré éluder devant le premier policier de France, invoquant à sa décharge «un déficit de formulation». Tout le monde y a droit, y compris lui le philosophe, l'usine à bouquins. Mais, il n'en faut pas plus pour que le bien-nommé Berbard Henry-Lévy, citoyen de Marrakech, qualifie abruptement «l'imam genevois» d'un «porte-parole» des courants les plus durs de l'Islam européen et qu'André Glucksmann dans le Nouvel Observateur crie à l'antisémitisme. Pourtant l'intéressé a écrit à plusieurs reprises dans ses livres son refus de l'antisémitisme. Dans Le Monde du 23 décembre 2001, il dit distinctement que la lutte contre la "judéophobie" sera sa priorité. Invité d'un jour à Rabat, son passage a provoqué une déferlante. Dans son pays, l'Egypte, son nom est tabou. Accepté en Suisse, toléré en France, il reste sur un souci des services français et européens. Ses comptes ont été passés au crible, pour démontrer, pourquoi pas, une certaine connexion avec l'innommable Al Qaïda. En attendant, le phénomène Tarik Ramadan fait la Une des journaux avec un discours toujours bien étudié, tantôt européen et laïc, tantôt islamiste modéré, mais souvent dérangeur. Manipulateur des médias selon les uns, l'accolade avec José Bové, une absolution, a déclenché un tollé de commentaires de la part de ceux qui accusent l'homme de double discours. «Ce n'est pas du double discours, c'est qu'il est coincé», s'écrie Khadija Mohsen-Finan, sociologue à l'Institut français des relations internationales (IFRI), et auteur d'une enquête approfondie sur le cas Ramadan pour le compte de l'Institut des hautes études sur la sécurité intérieure... Aujourd'hui, poursuit-elle, «on ne peut pas être séducteur à la fois dans le monde arabe, dans les banlieues et auprès des responsables politiques européens». En attendant, les détracteurs de Tarik Ramadan, continuent à relever les contradictions d'un homme plus politique et qu'islamique, qui n'est pas fondamentaliste mais n'hésite pas à prendre en exemple son grand-père et qui prône le modernisme voilé et s'enferme dans la diatribe philosophique pour ne pas à répondre sur la lapidation de la femme.